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JETER
Poésie
Comme dormait Jacob, comme dormait Judith,
Booz, les yeux fermés, gisait sous la feuillée
Victor Hugo, La Légende des siècles, Booz endormi
Étymologie
Jeter < lat. pop. jectare < lat. jactare < jacere (avec un -e- bref dans le rad.) = jeter < rac. i.-e. *yH1- / *yeH1- (ja- / je- en lat.) qui signifie jeter.
De son côté, gésir < lat. jacere (avec un -e- long dans le rad.) = être étendu, gésir.
Voir à l'ntrée jachère un lien possible entre ce terme et jeter
Voir aussi à l'entrée jaillir un lien possible entre « jaillir » et jeter.
Domaines
Les quatre éléments : déjection, gisement, subjacent
La faune et la flore : jas, rejeton
Les groupes humains : rejeton
Le corps : déjection, déjeté, déjeter, éjaculateur, éjaculation, éjaculatoire, éjaculer, gésine, jeté, surjet, surjeter
L’habitat : jas
Le travail manuel : brise-jet, éjectable, éjecter, éjecteur, éjection, injecteur, injection, jet, jetable, jetée, jeter, jeteur, jeton, objectivation, objet, projecteur, projectile, projection, projectionniste, projeter, projeteur, rejet, rejetable, rejeter, rétroprojecteur, subjectile, téléobjectif (hyb.)
Les arts : adagio (it.), jeté
Les sentiments : abject, abjection, aisance, aise, aisé, aisément, intersubjectif, intersubjectivité, jactance, jacter, malaise, malaisé, malaisément, mésaise, objectif, objectivement, objectivisme, objectiviste, objectivité, rejet, rejetable, rejeter, subjectif, subjectivement, subjectiver, subjectivisme, subjectiviste, subjectivité
La communication : adjectif, adjectival, adjectivement, adjectiver, avant-projet, contre-projet, interjectif, interjection, objecter, objecteur, objection, projet, projeter, sujet
La spatialité : gésir, gisant, gîte, gîter, sous-jacent, subjacent, trajectoire, trajet
La temporalité : ci-gît, gésir, gisant
La spiritualité : jaculatoire
Le travail intellectuel : adjacent, bijectif, bijection, conjectural, conjecturalement, conjecture, conjecturer, injectif, injection, objecter, objecteur, objection, objectiver, projectif, projection, subjectivisme, subjectiviste, surjectif, surjection
La physique : objectif
La politique : sujet, sujétion
L’économie : agio (it.), agiotage, agioter, agioteur, aisance, aisé, assujetti, assujettir, assujettissant, assujettissement
La justice : interjeter, objectivisme, objectiviste
La médecine : antirejet, déjeté, déjeter, injectable, injecté, injecter, injection, objectal, objectivation, objectiver, projectif, projection
L’armée : objecteur, projectile
Les loisirs : épaulé-jeté, jeté
Le sens fondamental de jeter est clairement identifiable dans de nombreux termes, de abject (adj. signifiant « qui mérite d’être jeté au loin ») au brise-jet, de la déjection (ce qu’on rejette loin de soi) à l’interjection, du jet au jeton, de l’objection (argument qu’on jette à l’adversaire dans une argumentation) à l’objet (étymologiquement « ce qui a été jeté en face », « ce qui fait face », que l’objet soit matériel ou non). Sur ce terme objet, on reconnaît l’objectif (ce qu’on se propose d’atteindre) et l’adj. objectif, au sens de « dénué de subjectivité », l’objecteur qui oppose un argument qu’il juge irréfutable pour justifier un refus, objectiver (transformer une réalité conceptuelle en quelque chose de concret pour le rendre plus explicite, plus facile à comprendre).
On peut ajouter le projet (ce qu’on se propose de réaliser dans un avenir plus ou moins proche), le projectile, la projection, le projectionniste, le rejet, le surjet (en couture), la surjection et la bijection (en mathématique), le trajet (la traversée, le chemin à parcourir entre deux points, quand on se jette, se projette dans un espace à parcourir), éjecter (jeter quelque chose loin de soi, avec « ex- » devenant « é- »), éjaculer, jaculatoire (courte et fervente, en parlant d’une prière), injecter (jeter, introduire quelque chose dans un milieu).
En grammaire, l’adjectif est un mot qui est jeté, ou plus simplement placé à côté d’un subst. pour en préciser le sens. La conjecture, elle, est une opinion établie sur des probabilités, une supposition fondée sur des apparences. Conjecturer, c’est littéralement jeter ensemble, « poser », « établir une opinion avec une certaine force (sens atténué de « cum- » devenant « con- ») ».
La jactance, quant à elle, consiste à lancer des paroles en l’air, à se vanter, à faire preuve d’arrogance. Le terme perd un peu de sa violence en devenant simple synonyme de bavardage, de baratin, et correspond alors au vb jacter. Dérivé de ce sens de jeter, le rad. exprime aussi le résultat de ce geste, le fait d’être jeté, placé, posé, allongé. On reconnaît alors des termes comme adjacent (en mathématique), subjacent, sous-jacent, gésir (qui survit dans ci-gît), le gisement, le gisant, la gésine (la couche, le lit où une femme va accoucher, d’où l’expression « en gésine » qui signifie « sur le point d’accoucher »), le gîte (terme construit sur le part. du vb gésir, et qui désigne le lieu où l’on peut trouver à se coucher, à loger, le lieu où s’abritent les animaux sauvages, le gibier, en particulier ceux qui ne creusent pas de terriers), la gîte (le lieu où un navire est échoué, la bande, c’est-à-dire l’inclinaison d’un navire sur un bord sous l’effet du vent ou d’une cargaison mal répartie ou d’un haut-fond où il est échoué), gîter (d’une part avoir son gîte, habiter, d’autre part donner de la bande, pour un navire).
En Provence, le mot jas désigne le lieu où les moutons se couchent pour dormir, c’est-à-dire la bergerie.
Le mot sujet est, qant à lui, polysémique. On peut citer, parmi toutes les subtilités listées par Littré et CNRTL, deux directions principales, à partir d’un sens littéral « jeté sous », « placé sous ». La première direction est surtout politique : le sujet est soumis, subordonné, assujetti, sous la domination d’un prince, d’un État souverain, astreint à une obligation, porté par sa nature à subir tel ou tel désagrément, telle ou telle maladie. Cette première direction est illustrée par des termes comme assujettir, l’assujettissement, la sujétion.
De l’idée de « placer dessous », « mettre sous », on passe à une seconde direction, non politique. Le sujet est alors ce qui est sous les yeux, sous la plume, ce dont on parle, ce qui est soumis à la réflexion. C’est aussi ce dont traite une œuvre, ou une personne considérée pour telle ou telle caractéristique comme un bon sujet ou un mauvais sujet). Au sens grammatical, le sujet est ce ou celui dont on parle, qui est dans tel état ou accomplit telle action. Cette seconde direction est illustrée par des termes comme l’intersubjectivité, la subjectivité, le subjectivisme, subjectif...
Une autre sous-famille intéressante de jeter est celle du mot aise. Même si son appartenance à la famille de jeter est parfois (Littré) contestée, le mot semble bien dériver du lat. « adjacens » signifiant « se trouvant à proximité ». L’adj. a été substantivé avec le sens d’« espace libre autour de soi », puis d’« absence de gêne ». De là l’idée de facilité avec aisé, aisément, ou au contraire malaisé, le malaise. Sur la forme de neutre plur. du lat. « adjacentia » a été construite la forme aisance. désignant les environs, puis les dépendances de la maison, puis, comme dépendance, la cabane au fond du jardin, d’où la fosse d’aisance.
Le terme agio est quant à lui directement lié au subst. aise. L’agio a été (CNRTL) un terrain vague adjacent aux champs cultivés, puis le droit d’usage de ces terrains en général biens communaux, d’où l’apparition du sens de bénéfice supplémentaire. Dans la banque, l’agio est (CNRTL) « un bénéfice réalisé sur la différence entre la valeur nominale et la valeur réelle des monnaies », « un bénéfice réalisé sur une opération commerciale », donc, étymologiquement, une aise, un bien-être. Un [
t]
a été artificiellement ajouté à agio pour des raisons euphoniques dans l’agiotage, l’agioteur et agioter.
Complément
Vient du grec : le dièse.
Au sens de « barre transversale d’une ancre », le mot jas appartient à la famille de joindre.
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Abréviations et conventions concernant la langue :
abr. |
abréviation |
adj. |
adjectif |
adv. |
adverbe |
a. fr. |
ancien français |
c.-à-d. |
c’est-à-dire |
cf. |
confer |
ex. |
exemple |
fam. |
familier |
fém. |
féminin |
hyb. |
hybride |
id. |
idem, pareillement |
loc. |
locution |
masc. |
masculin |
neut. |
neutre |
part. |
participe |
p.-ê. |
peut-être |
plur. |
pluriel |
pop. |
populaire |
préf. |
préfixe |
prép. |
préposition |
pron. |
pronom |
rac. |
racine |
rad. |
radical |
sing. |
singulier |
subst. |
substantif |
suff. |
suffixe |
vb |
verbe |
Abréviations et conventions concernant le latin :
bas lat. |
bas latin (à partir du IIIe siècle de notre ère) |
lat. |
latin classique |
lat. ecclés. |
latin ecclésiastique (langue des auteurs chrétiens à partir de la fin de l’Empire) |
lat. imp. |
latin impérial (à partir de la fin du 1er siècle de notre ère) |
lat. méd. |
latin médiéval (à partir du VIIe siècle de notre ère, langue écrite) |
lat. pop. |
latin populaire (à partir du IIIe siècle de notre ère, et dont les formes ne sont pas attestées dans les textes) (1) |
lat. vulg. |
latin vulgaire (à partir du IIIe siècle de notre ère, et dont les formes ne sont pas attestées dans les textes) (1) |
grom |
gallo-roman = latin parlé au Moyen Âge |
lat. bot. |
latin des botanistes |
Abréviations et conventions concernant les autres langues :
alld. |
mot directement emprunté à l’allemand, mais d’origine latine |
als. |
mot directement emprunté à l’alsacien, mais d’origine latine |
angl. |
mot directement emprunté à l’anglais, mais d’origine latine |
ara. |
mot directement emprunté à l’arabe, mais d’origine latine |
bre. |
mot directement emprunté au breton, mais d’origine latine |
celt. |
mot directement emprunté au celtique, mais d’origine latine |
esp. |
mot directement emprunté à l’espagnol, mais d’origine latine |
fran. |
mot directement emprunté au francique, mais d’origine latine |
germ. |
mot directement emprunté au germanique, mais d’origine latine |
it. |
mot directement emprunté à l’italien, mais d’origine latine |
occ. |
mot directement emprunté à l’occitan, mais d’origine latine |
piém. |
mot directement emprunté au piémontais, mais d’origine latine |
port. |
mot directement emprunté au portugais, mais d’origine latine |
prov. |
mot directement emprunté au provençal, mais d’origine latine |
< alld. |
mot emprunté à l’allemand, mais d’origine latine |
< als. |
mot emprunté à l’alsacien, mais d’origine latine |
< angl. |
mot emprunté à l’anglais, mais d’origine latine |
< ara. |
mot emprunté à l’arabe, mais d’origine latine |
< bre. |
mot emprunté au breton, mais d’origine latine |
< celt. |
mot emprunté au celtique, mais d’origine latine |
< esp. |
mot emprunté à l’espagnol, mais d’origine latine |
< fran. |
mot emprunté au francique, mais d’origine latine |
< germ. |
mot emprunté au germanique, mais d’origine latine |
< it. |
mot emprunté à l’italien, mais d’origine latine |
< occ. |
mot emprunté à l’occitan, mais d’origine latine |
< piém. |
mot emprunté au piémontais, mais d’origine latine |
< port. |
mot emprunté au portugais, mais d’origine latine |
< prov. |
mot emprunté au provençal, mais d’origine latine |
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|
i.-e. |
indo-européen |
arg. |
argot |
arc. |
archaïque |