La Chair des mots

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ÊTRE

Poésie

Jeunes filles aux longs cous de roseaux, je dis chantez l’Absente la Princesse en allée.

Léopold Sédar Senghor, Éthiopiques, L’Absente

Étymologie

Être < lat. vulg. essere < lat. esse = se trouver habituellement dans un lieu ou un état < rac. i.-e. *H1es- / *H1s- (es- / s- en lat.) qui signifie être. Esse a donné l’infinitif être, le présent je suis, tu es, il est, nous sommes, vous êtes, ils sont, le subjonctif je sois, le futur je serai, le conditionnel je serais. C’est la rac. fu- qui a donné le passé simple je fus et le subjonctif je fusse (cf. l’entrée prouver) et c’est le verbe stare qui a donné l’imparfait j’étais, le participe présent étant, et le participe passé été (cf. l’entrée statue).
De son côté, pouvoir < lat. vulg. potere < lat. posse < *pot-se où pot- < rac. i.-e. *pot- qui signifie puissance.
Par ailleurs, preux < lat. vulg. prodis < bas lat. prode = utile, profitable, efficace, d’où courageux < (vraisemblablement) lat. prodest (pro de + est) = il est utile (cf. l’entrée premier pour le rad. pro-).

Domaines

La faune et la flore : potentille
Le corps : boit-sans-soif, ventripotent
Le travail manuel : essence
Les arts : représentable, représentation, représenter
Les sentiments : bien-être, désintéressé, désintéressement, désintéresser, désintérêt, intéresser, intérêt, mal-être, mieux-être, pince-sans-rire, présentable, preux, prouesse, prude, pruderie, prudhommerie, prudhommesque, sans, sans-cœur, sans doute, sans-façon, sans-souci, sauve-qui-peut
La communication : présentateur, présentatif, présentation, présenter, présentoir, sans contredit
La spatialité : absence, absent, absentéisme, absentéiste, absenter (s’), entité, es (tu), est (elle), est (il), êtes (vous), non-être, omniprésence, omniprésent, présence, sans-faute, sommes (nous), sont (elles), sont (ils), suis (je)
La temporalité : présent, présentement
La spiritualité : Tout-Puissant
Le travail intellectuel : entité, équipotence, équipotent, équipotentiel, essence, essentialisme, essentialiste, essentiel, essentiellement, être-là, ni peu ni prou, peu ou prou, peut-être, prou, sans doute, soit, toute puissance, toute-puissance
La physique : potentialiser, potentialité, potentiel, potentiellement, potentiomètre (hyb.), quintessence, quintessencié, quintessencier
La politique : contre-pouvoir, contrepouvoir, impossibilité, impossible, impuissance, impuissant, omnipotence, omnipotent, plénipotentiaire, podestat (< it.), possibilité, possible, potentat, potestatif, pouvoir, puissamment, puissance, puissant, puissants, représentatif, représentativité, représenter, sans-abri, sans-culotte, sans-papiers, sans-patrie, superpuissance, toute puissance, toute-puissance, tout-puissant
L’économie : intéressement, intéresser, intérêt, représentant
La justice : fondé de pouvoir, potence, prud’homal, prud’homie, prud’homme
La médecine : impotence, impotent, impuissance, impuissant
L’armée : sans-grade
Divers : Prudhomme

Commentaire

Être ou ne pas être ? Du vb signifiant « exister » à l’auxiliaire de conjugaison qui a perdu son sens et fonctionne comme un mot outil, la famille est riche. L’essence, c’est ce qui est, la substantifique moëlle, si l’on se réfère à Rabelais. L’entité, c’est aussi une sorte d’essence, le terme étant formé sur un part. prés. non attesté du vb être. C’est donc un étant. Comme souvent, ce sont les préfixes qui servent d’exhausteurs sémantiques… Être absent, c’est évidemment être (« -sent ») loin (« ab- ») d’ici, alors qu’être présent, c’est être (« -sent ») devant (« prae- » devenant « pré- »), en face, d’où la présentation, le présentoir, la représentation
La préposition sans, quant à elle, résulte d’un croisement entre « sine hoc » (« sans ceci ») et le subst. « absentia » (l’absence), d’où une traduction approximative qui pourrait être « en l’absence de ceci ».
La sous-famille de intérêt est plus complexe, à partir du préfixe « inter ». Étymologiquement, l’intérêt, c’est « ce qui est entre », « ce qui est parmi », donc « ce qui est présent ». Le subst. fr. intérêt est en fait une forme verbale latine, « interest », dont l’infinitif signifie « être entre », « être dans l’intervalle », d’où « être séparé par un intervalle », « être distant », « différer », mais aussi « être parmi », « être présent », « assister », « participer », et la troisième pers., « interest », signifie « il est de l’intérêt de », « il importe ».
De l’idée de distance, d’absence, on passe à celle de manque, de dommage, de préjudice, puis de dédommagement pour le préjudice, en particulier pour la résiliation d’un contrat, puis de dédommagement dû pour une somme qui a été prêtée. De là naît le sens financier du mot intérêt. L’adj. preux, lui, au sens de « courageux », « vaillant », est désuet, tout autant que prou, qui n’apparaît guère que dans l’expression « peu ou prou », avec le sens de « beaucoup », dérivé de « courageusement ». Le terme prouesse est dérivé de preux, comme l’adj. prude et le subst. pruderie, dépréciatifs et dénonçant un excès de vertu ou de pudeur. Il y a donc un emploi antithétique, voire ironique, de l’idée originelle de courage, comme, en parallèle, le terme prouesse peut être employé ironiquement dans certains contextes au sens de « forfait ». Les termes prud’homme, prud’homal et prud’homie renvoient au tribunal électif chargé de trancher les conflits entre employeurs et employés. Monsieur Prudhomme, d’où prudhommesque et la prudhommerie, est quant à lui un personnage créé par Henri Monnier pour caricaturer le petit bourgeois conformiste, vaniteux et borné.
Reste la grande sous-famille du terme pouvoir, avec les nuances d’éventualité (possible, impossible, la possibilité), de capacité à réaliser une action (l’impotence), de faculté de diriger (l’omnipotence, le pouvoir, la puissance, le potentat, potentialiser).
On peut ajouter des termes aussi divers que la potence (la béquille, puis la force d’appui, le soutien, l’assemblage en forme de T, le gibet), potentiel (virtuel, qui a pouvoir, mais en théorie seulement), la potentille (appelée aussi « ansérine », que Littré nomme joliment « la petite vertu », aux nombreuses propriétés médicales), équipotent (en mathématiques, deux ensembles équipotents ont même puissance ou même nombre cardinal), ventripotent (qui a un ventre puissant, livré aux plaisirs du ventre, qui a un gros ventre).
Par ailleurs, les grecs utilisaient une table de Mendeleïev simplifiée à quatre éléments (ou essences) : l’air, l’eau, la terre et le feu. Aristote avait ajouté une cinquième essence, l’extrait subtil, ce qui concentre toutes les vertus d’un corps ou d’un mélange : c’est la quintessence.

Complément

Viennent du grec des mots comme le despote, despotique, le despotisme, l’ontologie, et des mots composés commençant par onto-, comme l’ontologie, l’ontogénie, l’ontogenèse, ontologique, l’ontologisme.

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Abréviations et conventions concernant la langue :

abr. abréviation
adj. adjectif
adv. adverbe
a. fr. ancien français
c.-à-d. c’est-à-dire
cf. confer
ex. exemple
fam. familier
fém. féminin
hyb. hybride
id. idem, pareillement
loc. locution
masc. masculin
neut. neutre
part. participe
p.-ê. peut-être
plur. pluriel
pop. populaire
préf. préfixe
prép. préposition
pron. pronom
rac. racine
rad. radical
sing. singulier
subst. substantif
suff. suffixe
vb verbe


Abréviations et conventions concernant le latin :

bas lat. bas latin (à partir du IIIe siècle de notre ère)
lat. latin classique
lat. ecclés. latin ecclésiastique (langue des auteurs chrétiens à partir de la fin de l’Empire)
lat. imp. latin impérial (à partir de la fin du 1er siècle de notre ère)
lat. méd. latin médiéval (à partir du VIIe siècle de notre ère, langue écrite)
lat. pop. latin populaire (à partir du IIIe siècle de notre ère, et dont les formes ne sont pas attestées dans les textes) (1)
lat. vulg. latin vulgaire (à partir du IIIe siècle de notre ère, et dont les formes ne sont pas attestées dans les textes) (1)
grom gallo-roman = latin parlé au Moyen Âge
lat. bot. latin des botanistes


Abréviations et conventions concernant les autres langues :

alld. mot directement emprunté à l’allemand, mais d’origine latine
als. mot directement emprunté à l’alsacien, mais d’origine latine
angl. mot directement emprunté à l’anglais, mais d’origine latine
ara. mot directement emprunté à l’arabe, mais d’origine latine
bre. mot directement emprunté au breton, mais d’origine latine
celt. mot directement emprunté au celtique, mais d’origine latine
esp. mot directement emprunté à l’espagnol, mais d’origine latine
fran. mot directement emprunté au francique, mais d’origine latine
germ. mot directement emprunté au germanique, mais d’origine latine
it. mot directement emprunté à l’italien, mais d’origine latine
occ. mot directement emprunté à l’occitan, mais d’origine latine
piém. mot directement emprunté au piémontais, mais d’origine latine
port. mot directement emprunté au portugais, mais d’origine latine
prov. mot directement emprunté au provençal, mais d’origine latine

< alld. mot emprunté à l’allemand, mais d’origine latine
< als. mot emprunté à l’alsacien, mais d’origine latine
< angl. mot emprunté à l’anglais, mais d’origine latine
< ara. mot emprunté à l’arabe, mais d’origine latine
< bre. mot emprunté au breton, mais d’origine latine
< celt. mot emprunté au celtique, mais d’origine latine
< esp. mot emprunté à l’espagnol, mais d’origine latine
< fran. mot emprunté au francique, mais d’origine latine
< germ. mot emprunté au germanique, mais d’origine latine
< it. mot emprunté à l’italien, mais d’origine latine
< occ. mot emprunté à l’occitan, mais d’origine latine
< piém. mot emprunté au piémontais, mais d’origine latine
< port. mot emprunté au portugais, mais d’origine latine
< prov. mot emprunté au provençal, mais d’origine latine
i.-e. indo-européen
arg. argot
arc. archaïque