La Chair des mots

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POING

Poésie

Hilare or de cymbale à des poings irrité,
Tout à coup le soleil frappe la nudité

Stéphane Mallarmé, Poésies, Le Pitre châtié

Étymologie

Poing < lat. pugnus = le poing < rac. i.-e. *pew-g- / *pw-g- qui signifie frapper. Les étymologistes Ernout et Meillet proposent un regroupement entre poing, (donc « point »), pincer et piquer au sein d’une famille unique dont l’idée première serait celle de frapper avec un objet contondant ou pointu. On a présentement regroupé sous l’entrée poing des mots issus de « pugnus » < « pungere » (signifiant « se battre à coups de poing »), « punctum » (part. passé de « pungere ») signifiant « le point », mais deux entrées indépendantes concernent les familles de piquer et de pincer.

Domaines

La faune et la flore : puntarelle
Les groupes humains : pygmée (< gre.)
Le corps : courtepointe, embonpoint, mal-en-point, mal en point, pogne, poigne, poignée, poignet, pourpoint, punctum (lat.)
Le travail manuel : appointer, épointage, épointement, épointer, poignard, poignarder, poignée, poinçon, poinçonnage, poinçonnement, poinçonner, poinçonneur, poinçonneuse, poindre, point, pointage, pointe, pointeau, pointer, pointeur, pointeuse, pointillage, pointiller, pointu, pointure, rond-point, strapontin (< it.), télépointage (hyb.), tiers-point
Les arts : contrapontiste, contrapuntique (< it.), contrapuntiste (< it.), contrepoint, contrepointiste, pointillisme, pointilliste
Les sentiments : à brûle-pourpoint, componction, désappointé, désappointement, désappointer, empoignade, empoigne, empoigner, inexpugnable, poignant, pointilleux, pugilat, pugnace, pugnacité, répugnance, répugnant, répugner
La communication : deux-points, point, pointe, pointillé, point-virgule, ponctuation, ponctuer
La spatialité : pointer (se)
La temporalité : ponctualité, ponctuel, ponctuellement
Le travail intellectuel : point, point de vue
L’économie : appoint, appointements, appointer, pognon, ponction, ponctionner
La justice : poignarder
La médecine : acuponcteur, acuponcture, acupuncteur, acupuncture, digitopuncture, ponction, ponctionner
L’armée : coup-de-poing
Les loisirs : pugiliste, pugilistique

Commentaire

Le sens premier de la racine tourne autour de l’idée de frapper. Le premier objet contondant - arme plutôt qu’outil - qu’on a à sa disposition est son poing. On peut évoquer alors l’empoignade, empoigner, inexpugnable, le poignard, poignarder, la poigne, le pugilat, le pugiliste, pugnace, la pugnacité. Juste un peu moins agressifs, on trouve des termes comme la répugnance (qui incite néanmoins à repousser avec force), répugnant, répugner, le poignet, la poignée, la pogne (qui, par métonymie, désigne la main tout entière), le pognon (ce qu’on met ou cache dans sa main, en particulier l’argent).
Le mot pygmée, quant à lui, nous vient, par le lat., du grec « Pugmaïos », signifiant « nain », littéralement « grand d’une coudée », à partir du subst. « pugmè », désignant le poing. La coudée est « la distance mesurée depuis le coude jusqu’à la naissance des doigts » (CNRTL), soit, selon Littré, 18 doigts, ou, si l’on préfère, 338 millimètres… Les Pygmées ont d’abord constitué un peuple mythique, à la localisation imprécise, mais proche des sources du Nil (cf. les auteurs anciens Pline l’ancien, Hérodote, Homère). Aujourd’hui, il s’agit de populations vivant dans la forêt équatoriale africaine. À vol d'ibis, les sources du Nil ne sont pas très loin…
La première évolution de la racine fait passer de la notion de poing à celle de point, voire de pointe. Il s’agit toujours de frapper, mais cette fois-ci avec un objet pointu. On peut illustrer cette nuance avec des termes comme le point de côté (douleur aiguë), poindre (au sens ancien de « faire souffrir »), la pointe, le pointeau. La componction est littéralement une piqûre, une douleur poignante dans le voc. médical, et la douleur éprouvée pour avoir péché, dans le voc. religieux. Frapper avec une pointe ou simplement utiliser une pointe peut être une activité pacifique, non douloureuse, avec des termes comme le pointage, le pointeau, l’épointage, épointer, pointer, le pointeur (sauf dans le milieu carcéral), la pointeuse, le poinçon, le poinçonnage, poinçonner, le poinçonneur, la poinçonneuse, appointer (au sens de « tailler en pointe »), l’acuponcteur ou acupuncteur, l’acuponcture ou acupuncture, pointu, la ponction, ponctionner, la puntarelle (qui est une pointe de corail).
Le point est aussi la plus petite marque, trace qu’on peut inscrire sur un support. De là la négation « ne… point » qui indique qu’on n’écrit même pas un point, qu’on n’écrit donc rien. Ce sens du mot point apparaît ainsi dans l’écriture, avec la ponctuation, le point, le point-virgule, les deux-points, le pointillé, ponctuer. On peut ajouter le pointillage, pointiller, pointilliste, le pointillisme, pointilleux. Le point est encore le lieu immatériel défini par l’intersection entre une longitude et une latitude, calculé avec un sextant ou un GPS… De là l’expression « faire le point », dans le vocabulaire maritime d’abord, puis dans n’importe quel domaine.
Cette idée de réalité infinitésimale se retrouve dans ponctuel, ponctuellement, la ponctualité, poindre (n’être encore qu’un point : commencer à paraître, en parlant d’un astre, ou à sortir de terre, en parlant d’une plante), le punctum (point en deçà duquel ou au-delà duquel la vision est indistincte), voire l’appoint, et certains, déçus par leur feuille de paie, pourraient ajouter les appointements… À partir de la nuance de position géographique, le mot point évolue vers le sens de « situation », d’« état », dans des termes ou expressions comme mal-en-point (ou mal en point), le point de vue, l’embonpoint.
Il existe aussi des sens évolués du mot point, comme le contrapontiste ou contrapuntiste ou contrepointiste (compositeur qui utilise les règles du contrepoint), la pointure, par ex. pour les chaussures, c'est-à-dire la longueur calculée en nombre de points nécessaires pour coudre la semelle adaptée à la taille du pied, le pourpoint (vêtement d’homme ajusté, brodé, cousu), la courtepointe (couverture de lit piquée et ouatinée), le rond-point (où le point peut dépasser les 20 000 m2 ! ), le tiers-point (d’abord point de section au sommet d’un triangle équilatéral, puis courbure des voûtes ogivales composées de deux arcs de cercle, puis lime à trois côtés). Le vb appointer, quant à lui, signifiait autrefois « arranger », « préparer », « mettre en ordre ». De là le vb désappointer au sens de « destituer », puis « tromper une personne dans son attente, dans ses espoirs », la « décevoir », d’où le part. désappointé, au sens de « déçu », et le désappointement, c'est-à-dire la déception.
Pour finir, le strapontin est littéralement une étoffe matelassée dont le rembourrage est maintenu en place par une série de points (« -pontin ») à l’aiguille qui transpercent le tissu de part en part (« stra- », à partir de « tra- »).

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Abréviations et conventions concernant la langue :

abr. abréviation
adj. adjectif
adv. adverbe
a. fr. ancien français
c.-à-d. c’est-à-dire
cf. confer
ex. exemple
fam. familier
fém. féminin
hyb. hybride
id. idem, pareillement
loc. locution
masc. masculin
neut. neutre
part. participe
p.-ê. peut-être
plur. pluriel
pop. populaire
préf. préfixe
prép. préposition
pron. pronom
rac. racine
rad. radical
sing. singulier
subst. substantif
suff. suffixe
vb verbe


Abréviations et conventions concernant le latin :

bas lat. bas latin (à partir du IIIe siècle de notre ère)
lat. latin classique
lat. ecclés. latin ecclésiastique (langue des auteurs chrétiens à partir de la fin de l’Empire)
lat. imp. latin impérial (à partir de la fin du 1er siècle de notre ère)
lat. méd. latin médiéval (à partir du VIIe siècle de notre ère, langue écrite)
lat. pop. latin populaire (à partir du IIIe siècle de notre ère, et dont les formes ne sont pas attestées dans les textes) (1)
lat. vulg. latin vulgaire (à partir du IIIe siècle de notre ère, et dont les formes ne sont pas attestées dans les textes) (1)
grom gallo-roman = latin parlé au Moyen Âge
lat. bot. latin des botanistes


Abréviations et conventions concernant les autres langues :

alld. mot directement emprunté à l’allemand, mais d’origine latine
als. mot directement emprunté à l’alsacien, mais d’origine latine
angl. mot directement emprunté à l’anglais, mais d’origine latine
ara. mot directement emprunté à l’arabe, mais d’origine latine
bre. mot directement emprunté au breton, mais d’origine latine
celt. mot directement emprunté au celtique, mais d’origine latine
esp. mot directement emprunté à l’espagnol, mais d’origine latine
fran. mot directement emprunté au francique, mais d’origine latine
germ. mot directement emprunté au germanique, mais d’origine latine
it. mot directement emprunté à l’italien, mais d’origine latine
occ. mot directement emprunté à l’occitan, mais d’origine latine
piém. mot directement emprunté au piémontais, mais d’origine latine
port. mot directement emprunté au portugais, mais d’origine latine
prov. mot directement emprunté au provençal, mais d’origine latine

< alld. mot emprunté à l’allemand, mais d’origine latine
< als. mot emprunté à l’alsacien, mais d’origine latine
< angl. mot emprunté à l’anglais, mais d’origine latine
< ara. mot emprunté à l’arabe, mais d’origine latine
< bre. mot emprunté au breton, mais d’origine latine
< celt. mot emprunté au celtique, mais d’origine latine
< esp. mot emprunté à l’espagnol, mais d’origine latine
< fran. mot emprunté au francique, mais d’origine latine
< germ. mot emprunté au germanique, mais d’origine latine
< it. mot emprunté à l’italien, mais d’origine latine
< occ. mot emprunté à l’occitan, mais d’origine latine
< piém. mot emprunté au piémontais, mais d’origine latine
< port. mot emprunté au portugais, mais d’origine latine
< prov. mot emprunté au provençal, mais d’origine latine
i.-e. indo-européen
arg. argot
arc. archaïque