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PIQUER

Poésie

Tu ris, tu dragues, tu picoles et voilà
Les belles années qui passent,
Not’ Rue de l’Ouest, ell’ r’ ssemble à ce temps-là,
L’a fini à la casse

Michel Bülher, Le Bistro du Kabyle

Étymologie

Piquer < lat. pop. piccare = piquer, frapper (« qui existe, précise CNRTL, dans toutes les langues romanes dont le cat., esp., port. (picar), à l’exception du roum., dér. probable d’une onomatopée pikk, où la voyelle [i] désigne quelque chose qui pique, les 2 consonnes explosives sourdes ([kk], le début d’un mouvement qui dure un moment, la gutturale dure exprimant le bruit d’un coup sec sur un objet. »
Piccare < lat. picus = le pic (l’oiseau).
À noter qu’il est possible (Ernout-Meillet) que piquer, pincer, poing et « point » constituent une seule et même famille.

Domaines

La faune et la flore : pic, picage, picholine, picotin, pic-vert, pie, pie-grièche, pique-bœuf, pique bois, pivert
Les groupes humains : pékin, péquenaud (arg.), péquenot (arg.), péquin (arg.)
Le corps : pique-nique, pique-niquer, pique-niqueur, piquette, saupiquet
Le travail manuel : dépiquer, marteau-piqueur, nid-de-pie, pic, picador (esp.), piccolo (it.), pick-up (ang.), picoler, picoleur, picolo, picot, picotage, picoté, picotement, picoter, piochage, pioche, piocher, piocheur, piquage, piquant, pique, piqué, pique-feu, pique-fleurs, piquet, piquetage, piqueter, piqueteur, piqueur, piqûre, repiquage, repiquer, surpiquer, surpiqûre
Les arts : picaresque (< esp.), picaro (esp.), piccolo (it.)
Les sentiments : pichenette, pique-assiette
La temporalité : à-pic, à pic
L’économie : picaillons
La justice : pickpocket (ang.)
La médecine : piqûre
Les loisirs : piqueur

Commentaire

La famille de piquer est très polysémique. Le vb s’emploie parfois comme synonyme de « coudre », c’est-à-dire « faire des points ». Les emplois sont plus ou moins pacifiques. Le sens premier (lat. pop. « piccare ») est celui de « donner de petits coups avec un objet pointu » et, en conséquence, le ressenti (quelque chose d’aigu au niveau de la peau) de celui qui subit cette action. Les termes les plus proches de ce sens sont le pic (l’oiseau et l’outil, avec quelques réserves sur l’appartenance à cette famille du terme pic désignant l’outil), le pic-vert ou pivert, le pique-bois ou pique bois, le pique-bœuf, le marteau-piqueur, le picot, le picotement, picoter (becqueter ou causer des picotements), surpiquer, la surpiqûre, dépiquer (en couture).
On peut ajouter le picador, le picage (qui désigne, dans les élevages, le fait que les volailles, à cause de carences alimentaires, s’arrachent mutuellement les plumes), le piquage (action de piquer, de faire des trous), la pie (par référence au pic), picoté, (le) piqueur, le piquet (selon les emplois), le piquetage, piqueter, le piqueteur, repiquer, le repiquage, le piochage, la pioche, piocher, le piocheur, la pique (selon les emplois).
Piquer peut ne pas être une action répétitive, par ex. dans la pichenette, la pique (selon les emplois), le pique-feu, le pique-fleurs, la piqûre (selon les emplois). Au sens de « sommet pointu d’une montagne », le mot pic, et donc l’à-pic comme subst., doivent leur nom à leur forme pointue comme le fer de l’outil, ce qui implique donc les mêmes réserves sur l’appartenance de cet emploi du mot pic que pour le terme qui désigne l’outil. Quant à l’adv. à pic, il semble résulter d’un emploi datant de l’époque des duels et autres combats à l’épée. Donner un coup à pic consistait à blesser en frappant l’adversaire avec la pointe de l’épée, en le piquant. Le coup était assez efficace pour que l’expression s’emploie encore pour désigner un événement opportun.
Piquer, c’est aussi donner un ou le plus souvent des coups de dents, avec des termes comme le pique-nique, pique-niquer où « nique » désignait en a. fr. une petite chose. Certains termes illustrent la nuance de piquer au niveau du goût (pour désigner quelque chose d’âpre) et de l’odorat, comme on le voit avec la picholine, (le) piquant, le picotin, le saupiquet.
Piquer a aussi évolué vers le sens de « cueillir », de « ramasser » (pour ne pas se baisser, on peut ramasser un objet avec un bâton terminé par une pointe). C’est ce qu’illustre le mot pick-up, pour désigner l’appareil qui ramasse les sons sur le disque vinyle. On peut aussi ramasser ce qui ne nous appartient pas, et on voit alors se profiler le vb piquer au sens de « voler », comme l’illustrent le pique-assiette, le pick-pocket ou pickpocket (littéralement le « cueille-poche »).
Une évolution particulière de piquer, en Italie surtout, illustre le sens de « petit » ou de « peu ». On peut imaginer que celui qui survit en ramassant, en cueillant, en glanant, qui vit donc de peu, est maigre. C’est le sens de l’arg. militaire péquin ou pékin, qui a pris ensuite le sens de « civil », par opposition au militaire, puis de « paysan », variété la plus fréquente de civils avant la guerre 14-18. Les termes péquenot et péquenaud ont été formés sur pékin, avec le seul sens de « paysan ».
Le piccolo (ou picolo) est quant à lui une petite flûte traversière. Le terme désigne aussi un petit vin, un vin aigrelet, comme le son de la flûte, d’où le vb picoler.
On peut expliquer le terme picaillons par le peu de valeur qu’a en général la monnaie en métal, mais il est tout aussi satisfaisant de voir dans ce terme une dérivation de l’anc. provençal « piquar » qui signifiait « sonner », « tinter », en parlant de petits objets métalliques. Dans les deux cas, on a l’idée de petitesse.
On peut enfin ajouter le picaro espagnol et picaresque, termes à rattacher très probablement au vb esp. « picar », à savoir piquer, sans que le sens de piquer soit ici évident. Le picaro est un instable, un aventurier qui exerce mille emplois, du haut en bas de la société, mais plus souvent en bas qu’en haut. Il est toujours prêt à donner des coups de dents, des coups de pique, à cueillir ce qui ne lui appartient pas, et il vit de peu, même si ce sens de la rac. semble absent en espagnol.

Complément

Au sens de « séparer le grain de son épi », dépiquer appartient à la famille de épi.

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Abréviations et conventions concernant la langue :

abr. abréviation
adj. adjectif
adv. adverbe
a. fr. ancien français
c.-à-d. c’est-à-dire
cf. confer
ex. exemple
fam. familier
fém. féminin
hyb. hybride
id. idem, pareillement
loc. locution
masc. masculin
neut. neutre
part. participe
p.-ê. peut-être
plur. pluriel
pop. populaire
préf. préfixe
prép. préposition
pron. pronom
rac. racine
rad. radical
sing. singulier
subst. substantif
suff. suffixe
vb verbe


Abréviations et conventions concernant le latin :

bas lat. bas latin (à partir du IIIe siècle de notre ère)
lat. latin classique
lat. ecclés. latin ecclésiastique (langue des auteurs chrétiens à partir de la fin de l’Empire)
lat. imp. latin impérial (à partir de la fin du 1er siècle de notre ère)
lat. méd. latin médiéval (à partir du VIIe siècle de notre ère, langue écrite)
lat. pop. latin populaire (à partir du IIIe siècle de notre ère, et dont les formes ne sont pas attestées dans les textes) (1)
lat. vulg. latin vulgaire (à partir du IIIe siècle de notre ère, et dont les formes ne sont pas attestées dans les textes) (1)
grom gallo-roman = latin parlé au Moyen Âge
lat. bot. latin des botanistes


Abréviations et conventions concernant les autres langues :

alld. mot directement emprunté à l’allemand, mais d’origine latine
als. mot directement emprunté à l’alsacien, mais d’origine latine
angl. mot directement emprunté à l’anglais, mais d’origine latine
ara. mot directement emprunté à l’arabe, mais d’origine latine
bre. mot directement emprunté au breton, mais d’origine latine
celt. mot directement emprunté au celtique, mais d’origine latine
esp. mot directement emprunté à l’espagnol, mais d’origine latine
fran. mot directement emprunté au francique, mais d’origine latine
germ. mot directement emprunté au germanique, mais d’origine latine
it. mot directement emprunté à l’italien, mais d’origine latine
occ. mot directement emprunté à l’occitan, mais d’origine latine
piém. mot directement emprunté au piémontais, mais d’origine latine
port. mot directement emprunté au portugais, mais d’origine latine
prov. mot directement emprunté au provençal, mais d’origine latine

< alld. mot emprunté à l’allemand, mais d’origine latine
< als. mot emprunté à l’alsacien, mais d’origine latine
< angl. mot emprunté à l’anglais, mais d’origine latine
< ara. mot emprunté à l’arabe, mais d’origine latine
< bre. mot emprunté au breton, mais d’origine latine
< celt. mot emprunté au celtique, mais d’origine latine
< esp. mot emprunté à l’espagnol, mais d’origine latine
< fran. mot emprunté au francique, mais d’origine latine
< germ. mot emprunté au germanique, mais d’origine latine
< it. mot emprunté à l’italien, mais d’origine latine
< occ. mot emprunté à l’occitan, mais d’origine latine
< piém. mot emprunté au piémontais, mais d’origine latine
< port. mot emprunté au portugais, mais d’origine latine
< prov. mot emprunté au provençal, mais d’origine latine
i.-e. indo-européen
arg. argot
arc. archaïque