La Chair des mots

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STATUE

Poésie

Quand l’auxiliaire féminine
Me stoppa d’un doigt menaçant
Je constatai que ma berline
Se mouvait à plus de deux cents !

Pierre Louki, L’Auxiliaire féminine

Étymologie

Statue < lat. statua = la statue < statuere = établir, poser, placer, élever, ériger, décider, fixer, déterminer, statuer < status = l’action de se tenir, la posture, l’attitude, la situation < stare = se tenir debout, se tenir, se tenir immobile, s’en tenir à un avis, (en poésie surtout, simple synonyme du verbe être) < rac. i.-e. *st-eH2- (*sta-) qui traduit la notion de verticalité.
De son côté, stèle < lat. stela = la stèle < grec stêlê = le bloc dressé, la pierre dressée, la colonne, la stèle funéraire (U histanai = placer debout, se tenir debout).
Par ailleurs, système < lat. systema = l’assemblage, le système < grec sustèma = l’ensemble d’hommes ou d’idées, le total, la masse, la troupe, la foule, l’ensemble de doctrines. Le grec sustèma est composé de sus- = ensemble + -stèma de la famille de histanai.

Domaines

Les quatre éléments : solstice, solsticial
La faune et la flore : arrête-bœuf, étable, étamine, staminal, staminé, stamine, staminifère
Le corps : constat (lat.), constatable, constatation, constater, inconstatable, prêt-à-porter, stature, staturo-pondéral, subsistance, subsister, substantiel, substantiellement, vestibulaire, vestibule
L’habitat : étage, vestibule
Le travail manuel : aérostat, apprêt, apprêtage, apprêter, apprêteur, arrêt, arrêter, assistance, assistant, assister, circonstance, consistance, consistant, consister, constituant, constitué, constituer, constitutif, constitution, contraste (< it.), contrasté (< it.), contraster (< it.), contre-prestation, déstabilisateur, déstabilisation, déstabiliser, établi, établir, établissement, étagement, étager, étagère, étaminier, étançon, étançonnement, étançonner, état, inconsistance, inconsistant, inconstatable, instantané, instaurateur, instauration, instaurer, instituer, institut, obstacle, ôter, préétabli, préétablir, prestataire, prestation, prestidigitateur, prestidigitation, prêt, rapprêter, reconstituer, reconstitution, restant, restaurant, restaurateur, restauration, restaurer, reste, restoroute, rétablir, rétablissement, sous-station, stabilisant, stabilisateur, stabilisation, stabiliser, stabilité, stable, stabulation, stage, stagiaire, statif, station, station-service, stator, stèle, subsistance, subsister, substance, substituable, substituer, substitut, substitutif, substitution, transistor (ang.), transistorisation, transistoriser, voiture-restaurant
Les arts : distanciation, existentialisme, existentialiste, prestant (< it.), prestissimo (it.), presto (it.), stance (< it.), statuaire, statuette, statufier
Les sentiments : apprêté, constance, constant, déstabilisateur, déstabilisation, déstabiliser, distance, distancier, distant, inconsistant, inconstance, inconstant, instabilité, instable, irrésistible, irrésistiblement, non-assistance, obstination, obstiné, obstinément, obstiner (s’), prestance (< it.), prostitué, prostituer, prostitution, résistance, résistant, résister, résistible, résistivité, rétif, rétiveté, rétivité, statufier
La communication : circonstancié, circonstanciel, circonstancier, destinataire, destinateur, destination, destiner, insistance, insistant, insister, instance, instant, substantif, substantifier, substantivation, substantivement, substantiver
La spatialité : coexistence, coexister, distance, distancer, équidistance, étaient (elles), étaient (ils), étais (tu), était (elle), était (il), état, états-unien, étiez (vous), étions (nous), existant, existence, exister, inexistant, inexistence, interstice, interstitiel, j’étais, non-existence, préexistant, préexistence, préexister, sous-station, station, stationnaire, stationnement, stationner, statu quo (lat.)
La temporalité : constamment, constant, été, instant, instantané, instantanéité, instantanément, persistance, persister, preste (< it.), prestement (< it.), prestesse (< it.), rester
La spiritualité : consistoire, consistorial, consubstantialité, consubstantiation, consubstantiel, destin, destinée, prédestination, prédestiné, prédestiner, stabat mater (lat.), superstitieusement, superstitieux, superstition, transsubstantiation
Le travail intellectuel : constante, équidistant, étant, existentialisme, existentialiste, existentiel, instamment, instit (abr.), institut, instituteur, institution, nonobstant, ôté, statisticien, statistique (< all.), statistiquement, statuer, substance, substantialisme, substantialiste, substantialité, substantiel, substantiellement, substantifique
La physique : antistatique, constante, contraste (< it.), contrasté (< it.), contraster (< it.)
La politique : anticonstitutionnel, anticonstitutionnellement, arrêté, assistanat, assisté, coexistence, constituant, constitué, constitution, constitutionnaliser, constitutionnalisme, constitutionnaliste, constitutionnalité, constitutionnel, constitutionnellement, désétatisation, désétatiser, destituable, destituer, destitution, État, état civil, étatifier, étatique, étatisation, étatiser, étatisme, étatiste, inconstitutionnalité, inconstitutionnel (< ang.), inconstitutionnellement, institutionnalisation, institutionnaliser, institutionnalisme, institutionnel, institutions, Résistance, résistant
L’économie : coût, coûtant, coûter, coûteusement, coûteux, prestataire, prestation, prêté, prêter, prêteur, surcoût
La justice : arrestation, arrêt, arrêter, constat (lat.), constatable, constatation, constater, constitué, désistement, désister (se), destituable, destituer, destitution, ester, instance, institution, prêté, prête-nom, prêter, prêteur, reconstituer, reconstitution, restituable, restituer, restitution, restitutoire, saisie-arrêt, statuer, statut, statutaire, statutairement, subsistant, substitut
La médecine : obstétrical, obstétricien, obstétrique, reconstituant, rétablir, rétablissement, substitution
L’armée : arrêts, connétable, connétablie, état-major, Résistance, résistant
Les loisirs : distancement, distancer
Divers : Constance, Constant

Commentaire

La nuance de base désigne une position verticale. On la repère dans le stabat mater (mot à mot : « la mère était debout »), la stature (c'est-à-dire la hauteur d’un homme debout).
De cette idée, on passe à la nuance de dresser ou se dresser, d’ériger, avec de nombreux termes comme la statue, la statuette, statufier, staturo-pondéral, la statuaire, la stèle, l’étamine (terme utilisé en botanique : à partir du lat. « stamineus » signifiant « garni de fils de laine », tiré de « stamen » qui désigne le fil d’un métier à tisser vertical), la stamine (variante rousseauiste du mot étamine), staminal, staminifère, staminé. À noter que le sens premier se retrouve dans l’étamine quand le terme désigne un « tissu léger de laine ou de coton qui servait en particulier à la confection d’un vêtement porté par les moines » (CNRTL), une « étoffe peu serrée dont on se sert pour tamiser » (même source), un « canevas utilisé en tapisserie » (même source). Dans le vocabulaire juridique, ester consiste à engager une action devant un tribunal, et étymologiquement, c’est « se tenir debout » (« estare » en lat. pop., pour le classique « stare ») devant le juge. Un étançon est un étai, une pièce de bois que l’on dispose sous un mur, sous un bateau en construction, sous une charpente pour les soutenir. Via l’a. fr. « estançon » ou « estanson », dérivé de « estance », le terme est construit sur « stans », le part. prés. substantivé de « stare ». De là l’étançonnement et étançonner.
La sous-famille de station illustre à la fois cette nuance et la suivante (« être » ou « se tenir »). Le sens premier, hérité du lat. « statio », désigne le fait de demeurer droit, immobile, et, dans la langue militaire, le poste de garde, la faction, tandis que, dans le vocabulaire religieux, le terme a désigné le lieu où se tenaient les chrétiens, d’où la réunion, et même, parfois, le jeûne. Le terme est aussi associé à l’idée de s’arrêter, de « résider ». La station de métro ou de bus est donc le lieu où les passagers attendent souvent debout, et le lieu où le métro ou le bus s’arrête. Dans le vocabulaire maritime, la station est un lieu de mouillage, un port. On peut ajouter la station-service.
Le sens s’atténue avec la nuance de « se tenir dans un lieu », tout simplement d’« être ». Parmi tous les termes qui illustrent cette nuance, on peut citer l’existence, existant, exister, existentiel, l’existentialisme, l’existentialiste, la coexistence, coexister, l’étant (en philosophie), inexistant, l’inexistence, la non-existence, préexistant, la préexistence, préexister.
On relève aussi certaines formes du verbe être, comme j’étais, tu étais, il était, elle était, nous étions, vous étiez, ils étaient, elles étaient, étant (part. prés.) et été (part. passé). On peut ajouter l’étage (à partir du lat. médiéval « stagium », à partir du lat. « staticum », qui désigne l’endroit où l’on se tient), étager, l’étagère, l’étagement, l’étable, la stabulation, l’établi, établir, l’établissement, le connétable (à partir du lat. « comes stabuli » signifiant étymologiquement « le comte de l’étable »), la connétablie, l’interstice, interstitiel, l’assistance (pour désigner ici les personnes présentes), assister (au sens d’être présent).
Le mot stage, duquel est dérivé stagiaire, a la même étymologie que le mot étage, et s’est employé d’abord avec un sens religieux pour désigner le « séjour qu’un nouveau chanoine doit faire pendant un temps minimum dans le lieu de son église pour pouvoir jouir des honneurs et des revenus de sa prébende » (CNRTL), et est passé, comme pour étage, au sens de « résidence », « demeure », avant de prendre son sens moderne, très proche du sens premier si l’on remplace le mot « chanoine » par le mot « employé », et les mots « honneurs » et « revenus » par les mots « avantages en nature » et « salaire », et enfin le mot « prébende » par le mot « CDI ».
La stance, quant à elle, est un groupe de vers offrant un sens complet et suivi d’un repos. Le terme désigne aussi, secondairement, un poème lyrique, religieux ou élégiaque, formé de strophes de même structure. Le rattachement de stance à la famille de statue est original : à partir de l’it. « stanza » signifiant « la demeure », « le séjour », « la pièce » (dans la maison), c’est l’idée de demeurer, de s’arrêter qui explique le sens de stance en poésie. La stance est donc définie étymologiquement par le repos, le silence qui suit la strophe. En fr. aussi, au XVIe siècle, on trouve stance au sens de « logis », « chambre ». Se désister, par ailleurs, c’est littéralement « s’abstenir », « renoncer », « laisser sa place ». D’où le désistement.
La nuance suivante renvoie à l’immobilité (« être dans un lieu et ne pas en sortir », « ne pas bouger ») avec des termes comme stationnaire, le stationnement, stationner, la persistance, persister, l’arrestation, l’arrêt, les arrêts, arrêter, l’arrêté, la déstabilisation, déstabiliser, l’instabilité, instable, stabilisant, le stabilisateur, la stabilisation, stabiliser, la stabilité, stable, antistatique, le solstice. Le solstice d’été, pour l'hémisphère nord, est le moment où le soleil (« sol- ») semble s’arrêter (« -stice », tiré du lat. « sistere »), rester stationnaire pendant quelques jours avant que sa courbe ne diminue au fur et à mesure qu'on se rapproche de l'équinoxe de septembre puis du solstice de décembre. On peut ajouter le statu quo (l’expression latine complète est « statu quo ante », c’est-à-dire « dans l’état où les choses étaient auparavant »), le statif (à savoir partie fixe d’un microscope ou de tout autre mécanisme possédant aussi des parties mobiles), le stator (ici, la partie fixe d’une machine tournante). Une variante légère est celle de « situation », avec l’état, l’état-major, l’état civil.
La nuance suivante renvoie à l’idée de décider, de rendre définitif, de statuer, de fixer. On peut l’illustrer avec des termes comme le constat, constatable, la constatation, constater, le constituant, constituer, constitutif, constamment, la constance, constant, la constante, l’inconstance, inconstant, destiner (vb formé sur le vb lat. « destinare », composé de « stanare », « fixer », « forme allongée », dit Littré, de « stare », signifiant « être debout, ferme »). On peut ajouter le destin, le destinataire, le destinateur, la destination, la destinée, la prédestination, prédestiner, prédestiné, l’institut (subst. tiré du lat. « institutum », signifiant « la chose instituée »), instituer, l’institution, (le) reconstituant, reconstituer, la reconstitution. On peut ajouter aussi l’instituteur et l’institutrice, et leur abréviation l’instit. En lat., le subst. « institutor » désigne celui qui dispose, qui administre, à partir de l’idée de fonder présente dans le vb « instituere » qui a donné instituer. En bas lat., le mot « institutor » avait déjà pris le sens de « maître d’école », sous l’influence de « institutum » qui a donné l’institut.
Statuer, par ailleurs, c’est établir, « faire tenir droit ou ferme », « fixer », « régler avec autorité ». De là le statut, statuaire et statutairement.
De son côté, à partir d’un sens concret de « palissader », le rad. « staurare », en bas lat., a signifié « affermir », d’où le sens de « préparer »,  «dresser », qu’a eu le vb instaurer avant de signifier « fonder », « établir les bases de quelque chose ». De là l’instaurateur et l’instauration.
La sous-famille de statistique, quant à elle, qui nous est venue du grec via le lat. puis l’it. puis l’alld., peut être rattachée à cette nuance. La statistique est, dit Littré, la « science qui a pour but de faire connaître l’étendue, la population, les ressources agricoles et industrielles d’un État. Achenwall, qui vivait vers la fin du milieu du XVIIIe siècle, est généralement considéré comme le premier écrivain systématique sur la statistique, et on dit que c’est lui qui lui a donné son nom actuel. » C’est aussi, plus généralement, la « science des dénombrements et de leurs conséquences ». L’approche de CNRTL est complémentaire : la statistique est « l’étude méthodique des faits sociaux par des procédés numériques, (…) l’ensemble de techniques d’interprétation mathématique appliquées à des phénomènes pour lesquels une étude exhaustive de tous les facteurs est impossible », (…) « l’ensemble de données numériques concernant une catégorie de faits, utilisable selon les méthodes de la statistique ». CNRTL précise que le mot statistique est emprunté à l’alld. « Statistik, forgé par l’économiste all. G. Achenwall (1719-1772), qui l’a dérivé de l’ital. "statista", la statistique représentant pour lui l’ensemble des connaissances que doit posséder un homme d’État ». De là le statisticien et statistiquement.
Un champ d’application particulier de cette nuance est celui du commerce, où un prix est fixé entre un vendeur et un acheteur, avec des termes comme le coût, coûtant, coûter, coûteusement, coûteux, le surcoût.
À partir de la notion la plus courante d’exister, de nombreuses sous-familles se différencient par divers préfixes.
Quand les termes préfixés sont plus intéressants par leur rad. que par leur préfixe, ils ont été étudiés précédemment. Le préfixe « ad- » signifie à côté, d’où une idée d’aide, et on relève l’assistanat, l’assistance (en tant que secours), l’assistant, assister (au sens d’« aider »), assisté, la non-assistance.
Le préfixe « in- » signifie « sur », « vers », parfois avec une valeur d’adversité. Le mot instant est dérivé du part. prés. du vb lat. « instare », signifiant « être imminent, prochain, pressant, voire menaçant », à partir de « in- » et de « stare ». L’instant est ce laps de temps qui est juste là, présent sur vous, vous concernant au moment où vous prenez conscience du temps qui passe. La philosophie stoïcienne (cf. Sénèque, Lettres à Lucilius, Lettres 1 ici et surtout 49 ) insiste sur la nécessité de se rendre maître du temps qui passe, à chaque instant, pour s’approcher du bonheur, en ne perdant pas son temps, instant après instant. de là les termes instantané, l’instantanéité, instantanément. À partir du mot instant, on a l’instance (qui renoue avec l'idée de risque, de menace : « instantia », en lat., signifiait « la demande pressante », puis « l’imminence », « la proximité »), instamment, insister (à partir de l’idée de « se placer sur », construit sur « insistere » en lat., on passe à l’idée de « s’appliquer à », de « faire instance », de « persévérer à demander quelque chose »), l’insistance, insistant.
Le préfixe « dis- » marque la séparation, et on relève pour l'illustrer la distance, le distancement, distancer, la distanciation, distancier, distant, équidistant. Le préfixe « circon- » (« circum- » en lat.) signifie « autour », et on relève alors la circonstance, circonstanciel, circonstancier, circonstancié.
Le préfixe « ob- » traduit une opposition, et plusieurs termes l’illustrent, comme l’obstacle, l’obstination, obstiné, obstinément, s’obstiner, nonobstant. On rencontre aussi le mot obstétrique : le lat. « obstetrix » désignait la femme qui se tient devant, en face de (« ob- ») la parturiente pour recevoir l’enfant qui naît. De là obstétrical, l’obstétricien et le plus souvent l’obstétricienne. Le vb ôter est dérivé de « obstare » signifiant en bas lat. « empêcher quelqu’un de faire quelque chose », d’où « retenir », d’où « enlever ». La parenté sémantique avec obstacle est évidente.
Le préfixe « pro- » signifie « devant », et on relève des termes comme (se) prostituer, la prostitution, (le) prostitué, la prostituée.
Le préfixe « re- » ou « ré- » traduit ici non pas l’idée de recommencer, mais celle de remettre debout, ou de rétablir, ou de résister. Pour l’illustrer, on a des termes comme restaurer (au sens de « remettre debout, en forme, en bon état », selon les contextes), le restaurant, le restaurateur, la restauration, le restoroute, restituer (littéralement « replacer », « remettre en place »), la restitution. Rétablir consiste à remettre (« ré- ») dans l’état précédent de stabilité (cf. ci-dessus établir). De là le rétablissement. Avec le même préfixe, on relève le vb résister qui a d’abord signifié s’arrêter, se positionner avec fermeté (sens évolué de « ré- »), se tenir en faisant face, tenir tête, opposer de la résistance à quelqu’un ou quelque chose. De là irrésistible, irrésistiblement, la résistance, (le) résistant, résistible, la résistivité, la Résistance. Rester est construit comme résister avec le préfixe « re- » présentant une valeur dite augmentative. Rester, c’est littéralement être debout (« -ster ») avec énergie, fermeté (« re- »), un quasi synonyme de résister. De là (le) restant, le reste. L’adj. rétif, quant à lui, est construit sur le part. lat. de « restare » : est rétif celui qui reste en place, qui résiste. Le subst. correspondant est la rétivité ou la rétiveté. Pour l’anecdote, on peut rappeler que le terme transistor est formé de « trans- » (pour « to transfer » en ang.) et de « -istor » (pour « resistor », la résistance, le rhéostat), qu’on peut donc le rattacher à résister, comme la transistorisation et transistoriser.
Le préfixe « sub- », quant à lui, signifie « sous », « dessous », avec souvent l’idée de prêter assistance. La substance est, étymologiquement, ce qui se tient (« -stance ») dessous (« sub- »), ce qui est dessous, c’est-à-dire au plus profond, d’où le sens de « réalité », d’« essence », d’existence, et plus tardivement, de vnourriture », d’« aliments », de « moyens de subsistance », voire de « biens », de « fortune ». De là substantiel, substantiellement, le substantialisme (philosophie inspirée de Descartes, qui attribue une réalité, une substance, aux notions comme l’esprit, l’âme… ), (le) substantialiste, la substantialité, la consubstantialité (dans la religion catholique, c’est l’unité et l’identité de substance des trois personnes de la Trinité divine), la consubstantiation (dans la religion luthérienne, c’est la présence du Christ dans le pain et le vin de l’eucharistie), la transsubstantiation (dans la religion catholique, c’est, par opposition à la consubstantiation, la transformation de la substance du pain et du vin en celle du corps et du sang du Christ dans l’eucharistie), consubstantiel, le substantif (le terme désigne une substance, par opposition par ex. au vb, qui exprime un état ou une action), substantifier (transformer un mot en substantif : vsouper » devient « le souper »), substantifique (l’adj. est employé par Rabelais dans le prologue de Gargantua, dans l’expression « la substantifique moëlle », où le terme « moëlle » désigne ce qu’il y a de caché, de plus profond, donc ce qui est lié à la substance… ), la substantivation, substantiver (donner à un mot la valeur, la fonction d’un substantif : « pauvre » devient « le pauvre », « bleu » devient « le bleu », etc.). Subsister, c’est être là, rester vivant (« -sister »), mais en dessous (« sub- »), de façon non visible, c’est exister encore, continuer d’être, en parlant des choses, c’est, en parlant des personnes, vivre et s’entretenir, pourvoir à ses besoins. De là la subsistance. Substituer, par ailleurs, c’est placer (« -stituer ») quelque chose sous (« sub- ») autre chose, c’est remplacer quelque chose par autre chose ou quelqu’un par quelqu’un d’autre. De là substituable, le substitut, substitutif, la substitution.
Le préfixe « con- » (« cum- » en lat.) signifie « ensemble » ou « complètement ». Consister, étymologiquement, c’est « se tenir ("-sister") ensemble ("con-") », « se maintenir », « se fonder sur », « être composé de ». De là la consistance, consistant, le consistoire, l’inconsistance, inconsistant.
« Contra- » signifie « en face de », avec souvent une idée d’opposition. Contraster, le plus souvent sous la variante orthographique « contrester », signifiait résister en a. fr., c’est-à-dire « se positionner ("-ster" pour "stare" », « se tenir debout ») en opposition ("contra-") ». C’est la même nuance qui est illustrée par l’it. « contrastare », « lutter », « combattre », qui a réintroduit contraster en fr. au XVIe siècle. De la même façon, l’it. « contrasto » signifie « la lutte », vle combat », « le débat » : le contraste, surtout en peinture, crée une opposition entre deux éléments qui sont mis en valeur par leur juxtaposition. De là l’adj. contrasté.
Le préfixe suivant est très présent dans la famille C’est le lat. « prae- » (signifiant « devant ») qui apparaît sous les formes « pré- », « pre- » ou « prê- » (où l’accent circonflexe représente le [s] du rad. de « stare ».
L’adj. prêt, de son côté, est dérivé de « praestus », construit sur l’adv. « praesto », lui-même formé de « prae » et « stare » : être prêt, c’est se tenir devant quelqu’un, disposé à réaliser une tâche, à rendre un service… De là le prêt-à-porter, l’apprêt (qui rend un matériau directement utilisable), l’apprêtage, apprêter, apprêté (qui a évolué vers le sens d’« affecté », de « dépourvu de naturel »), l’apprêteur. Le mot prêt est aussi un subst. qui renvoie à la mise à disposition provisoire d’argent. C’est de l’argent placé devant (« pre- ») quelqu’un. le vb prêter a un champ sémantique plus large : on peut prêter la main, le bras, l’oreille, l’attention, l’esprit, serment, sa plume, son nom, le flanc, et bien sûr de l’argent. De là le prête-nom, le prêteur, prêté. La prestation, quant à elle, est étymologiquement l’action de s’acquitter de quelque chose, de fournir quelque chose en vertu d’une obligation (CNRTL). On arrive à ce sens en repartant du lat. vpraestare » qui signifie « se tenir devant »t, d’où « se distinguer », « l’emporter sur », « se porter garant de quelque chose », « assurer », « faire preuve de », « mettre à la disposition », « procurer », « fournir ». De là la contre-prestation, le prestataire, le prestant (jeu d’orgue dont les tuyaux les plus graves sont souvent placés en façade de l’instrument), la prestance. L’adj. preste, signifiant prompt, agile, est étymologiquement un ancien fém. de prêt, qui a été ensuite utilisé aussi au masc. De là prestement, la prestesse, presto et prestissimo (en musique), le prestidigitateur et la prestidigitation. Le prestidigitateur a les doigts prestes, c’est-à-dire agiles.
Pour finir, le préfixe « super- » signifie « au-dessus de ». La superstition consiste étymologiquement à se tenir au-dessus, à considérer qu’on est dans le vrai quoi qu’il arrive. C’est, selon CNRTL, une « déviation du sentiment religieux, fondée sur la crainte ou l’ignorance, et prêtant abusivement un caractère sacré à des croyances, pratiques ». Le terme lat. « superstitio » avait déjà le sens « d’attitude de crainte ou de crédulité irrationnelle ; croyance ou pratique religieuse non orthodoxe » (CNRTL), mais à partir d’un sens mélioratif plus ancien de « don d’omniscience du devin ». Le christianisme a traduit « superstitio » par « pratique religieuse contraire aux usages reçus, pratique contraire aux canons, croyance païenne » (CNRTL). De là (le) superstitieux.
Requiem pour un métier d’autrefois : l’étaminier était un « tisserand qui confectionnait des toiles (…), l’étamine et la tellette, dont on garnissait les cribles et les tamis ». (Gérard Boutet, La France en héritage, Perrin, 2007)

Complément

Viennent directement du grec des mots comme (la) statique, le statisme, statiquement, l’extase, s’extasier, la métastase, la prostate, le système, la systématisation, systématique, systématiser, le systématicien, systématiquement, systémique, le stade, la diastase, extatique.
Viennent du germ. : l’estaminet, l’étendard. Viennent du germ. via l’ang. : le stand, le standing, le standard, standardiser.

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Abréviations et conventions concernant la langue :

abr. abréviation
adj. adjectif
adv. adverbe
a. fr. ancien français
c.-à-d. c’est-à-dire
cf. confer
ex. exemple
fam. familier
fém. féminin
hyb. hybride
id. idem, pareillement
loc. locution
masc. masculin
neut. neutre
part. participe
p.-ê. peut-être
plur. pluriel
pop. populaire
préf. préfixe
prép. préposition
pron. pronom
rac. racine
rad. radical
sing. singulier
subst. substantif
suff. suffixe
vb verbe


Abréviations et conventions concernant le latin :

bas lat. bas latin (à partir du IIIe siècle de notre ère)
lat. latin classique
lat. ecclés. latin ecclésiastique (langue des auteurs chrétiens à partir de la fin de l’Empire)
lat. imp. latin impérial (à partir de la fin du 1er siècle de notre ère)
lat. méd. latin médiéval (à partir du VIIe siècle de notre ère, langue écrite)
lat. pop. latin populaire (à partir du IIIe siècle de notre ère, et dont les formes ne sont pas attestées dans les textes) (1)
lat. vulg. latin vulgaire (à partir du IIIe siècle de notre ère, et dont les formes ne sont pas attestées dans les textes) (1)
grom gallo-roman = latin parlé au Moyen Âge
lat. bot. latin des botanistes


Abréviations et conventions concernant les autres langues :

alld. mot directement emprunté à l’allemand, mais d’origine latine
als. mot directement emprunté à l’alsacien, mais d’origine latine
angl. mot directement emprunté à l’anglais, mais d’origine latine
ara. mot directement emprunté à l’arabe, mais d’origine latine
bre. mot directement emprunté au breton, mais d’origine latine
celt. mot directement emprunté au celtique, mais d’origine latine
esp. mot directement emprunté à l’espagnol, mais d’origine latine
fran. mot directement emprunté au francique, mais d’origine latine
germ. mot directement emprunté au germanique, mais d’origine latine
it. mot directement emprunté à l’italien, mais d’origine latine
occ. mot directement emprunté à l’occitan, mais d’origine latine
piém. mot directement emprunté au piémontais, mais d’origine latine
port. mot directement emprunté au portugais, mais d’origine latine
prov. mot directement emprunté au provençal, mais d’origine latine

< alld. mot emprunté à l’allemand, mais d’origine latine
< als. mot emprunté à l’alsacien, mais d’origine latine
< angl. mot emprunté à l’anglais, mais d’origine latine
< ara. mot emprunté à l’arabe, mais d’origine latine
< bre. mot emprunté au breton, mais d’origine latine
< celt. mot emprunté au celtique, mais d’origine latine
< esp. mot emprunté à l’espagnol, mais d’origine latine
< fran. mot emprunté au francique, mais d’origine latine
< germ. mot emprunté au germanique, mais d’origine latine
< it. mot emprunté à l’italien, mais d’origine latine
< occ. mot emprunté à l’occitan, mais d’origine latine
< piém. mot emprunté au piémontais, mais d’origine latine
< port. mot emprunté au portugais, mais d’origine latine
< prov. mot emprunté au provençal, mais d’origine latine
i.-e. indo-européen
arg. argot
arc. archaïque