La Chair des mots

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Il était une fois, le langage…

Si l’écriture et la parole étaient concomitantes, nous ne remonterions qu’à 6 000 ans, à hier donc, ce qui est contraire à toute vérité scientifique. L’homo sapiens sapiens (homme moderne) semble bien né en Afrique, dans plusieurs foyers, il y a environ 200 000 ans. Sa diaspora vers l’Asie et l’Europe, c’est-à-dire vers le foyer de l’indo-européen, daterait de 100 000 ans. Et assurément il parlait ! Et avant lui, l’homo erectus (1 million d’années à 0.3 million d’années) parlait-il ? Oui ! Et avant lui, l’homo ergaster (1.8 million d’années à 1 million d’années) parlait-il ? Oui ! Et avant lui, l’homo habilis (2.5 millions d’années à 1.8 million d’années) parlait-il ? Sans doute… Et les australopithèques ? Et Lucy (il y a 3.2 millions d’années) ? Et Toumaï (il y a 7 millions d’années) ? Ces questions existentielles posent le problème de l’hominisation : si, comme probable, elle est apparue simultanément en plusieurs foyers africains, un protolangage a toutes les chances d’être lui aussi apparu parallèlement en autant de foyers, plus ou moins simultanément, avec des spécificités liées au mode de vie, à l’habitat, à l’environnement, etc. Plus riches que de simples cris (communs avec beaucoup d’animaux et suffisants pour exprimer des sensations), ces protolangages qui nous restent à tout jamais inconnaissables semblent bien exclure l’idée d’une langue mère unique d’où seraient issues toutes les autres. Ces protolangages étaient alors la marque d’une réelle communication entre individus, à l’occasion de scènes de chasse en commun par exemple. Les « mots » prononcés devaient sans doute s’accompagner de gestes et de diverses formes d’intonation pour devenir message compréhensible. (1)

(1) Ces considérations s’inspirent du numéro Hors série 256, de septembre 2011, de la revue Science et Vie.

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