La Chair des mots

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Il était une fois, la communication

L'histoire du langage humain est passionnante, mais, comme le rapporte Jean-Claude Ameisen (1), des scientifiques font reculer encore la période floue d’un début de langage en la déconnectant de l’espèce humaine, en attribuant à certaines espèces animales cette capacité d’échanges verbalisés. C’est ainsi que des primates comme les vervets (appelés aussi « singes verts ») disposent de trois mots pour signaler à leurs congénères la présence d’un danger représenté par un serpent, un aigle ou un léopard. Les cris qu’ils poussent peuvent être, selon Darwin, une imitation des cris ou bruits émis par leurs prédateurs, mais ils dépassent le stade de la manifestation de la peur et constituent des alertes destinées à leurs congénères. Il s’agit donc bien d’un acte de communication, d'une sorte de protolangage. D’autres primates, les cercopithèques Hocheurs, appelés aussi « pains à cacheter », sont capables, à partir de deux radicaux, répétés ou non, d’échanger entre eux des informations sur la présence d’un prédateur, en précisant quel prédateur, la nécessité de se rassembler, etc. D’autres cercopithèques, les cercopithèques appelés « Mone de Campbell », disposent de quatre radicaux dont deux sont susceptibles de recevoir un suffixe, donc de six mots. Ils sont capables, à partir de la combinaison de ces mots, de leur éventuelle répétition, d’échanger entre eux de nombreuses informations sur la présence d’un prédateur, sa localisation, la nécessité de se rassembler, de s’arrêter, l’authenticité avérée ou supposée de l’information. Leur langage est même évolutif puisque des individus en captivité ont inventé un nouveau mot pour signaler l’arrivée dans leur environnement d’un être humain. Si par ailleurs nous ne soupçonnons même pas l'existence du langage de certains animaux, comme celui du tarsier des Philippines, c’est que ce dernier s’exprime en utilisant une fréquence 70 000 Hertz, alors que nous ne percevons pas les sons émis à une fréquence supérieure à 20 000 Hertz.

(1) Jean-Claude Ameisen, Sur les épaules de Darwin, Retrouver l’aube, LLL, 2014, pages 251-255)

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