La Chair des mots

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TEMPS

Poésie

La tempête a béni mes éveils maritimes

Arthur Rimbaud, Poésies, Le Bateau ivre

Étymologie

Temps < lat. tempus = la division de la durée, le moment, l’instant, la saison, l’époque de l’année, le temps < rac. i.-e. *tem- qui signifie couper, et qu’on trouve encore dans le grec temnein = couper.
De son côté, temple < lat. templum = l’espace circonscrit, délimité, l’espace tracé dans l’air par le bâton de l’augure comme champ d’observation en vue des auspices, l’espace consacré, le temple (construction) < rac. i.-e. *tem-.
Par ailleurs, atome < lat. atomus = non divisé (adj.) et le corpuscule, l’atome (subst.) < grec atomos = non divisé, qu’on ne peut couper (adj.) et l’atome (subst.) < temnein.

Domaines

Les quatre éléments : intempérie, printanier, printemps, température, tempéré, tempête, tempétueusement, tempétueux
Le corps : trempée
Le travail manuel : détrempe, détremper, deux-temps, retrempe, retremper, tempestaire, trempabilité, trempage, trempe, trempé, tremper, trempette, trempeur
Les arts : tempéré, tempo (it.)
Les sentiments : contemplateur, contemplatif, contemplation, contempler, intempérance, intempérant, intempéré, tempérament, tempérance, tempérant, tempérer, trempe, trempé, trempée
La communication : tempêter, tome (< gre.), tomer (< gre.)
La spatialité : espace-temps, spatio-temporel
La temporalité : atemporel, contemporain, contemporanéité, contretemps, entre-temps, espace-temps, intempestif, intempestivement, intemporalité, intemporel, longtemps, mi-temps, plein-temps, spatio-temporel, temporaire, temporairement, temporalité, temporel, temporisateur, temporisation, temporiser
La spiritualité : quatre-temps, temple
Le travail intellectuel : atomisme (< gre.), atomiste (< gre.)
La physique : atome (< gre.), atomicité (< gre.), atomique (< gre.), atomisation (< gre.), atomiser (< gre.), atomiseur (< gre.)
La politique : obtempérer, templier
La justice : latomies (< gre.), tremper
La médecine : extemporané, extemporanément, température
Les loisirs : mi-temps, passe-temps

Commentaire

L’idée fondamentale est celle de diviser. Cette division peut être réalisée dans la durée. C’est cette acception qui est la plus souvent illustrée, souvent de façon limpide, parfois un peu moins. Ce qui est atemporel n’est pas concerné par le temps, et ce qui est intemporel échappe à l’usure du temps, à la mode. Un événement intempestif arrive au mauvais moment et s’en retrouve inopportun. L’adj. extemporané s’emploie pour désigner une action qui a lieu sur le champ.
En musique, le mot tempo illustre bien cette notion de division de la durée. Ce qui est temporaire n’a d’effet que pour un laps de temps déterminé. La temporalité concerne ce qui existe dans le temps, ce qui vit et meurt, contrairement à ce qui est immortel, et mieux encore, éternel, qui, du coup, se retrouve atemporel. Temporiser, c’est retarder quelque chose, surseoir à quelque chose. La procrastination est une modalité de la temporisation.
Le premier temps de l’année, au sens de saison, est le printemps. C'était surtout vrai autrefois quand l’année commençait en mars.
Sur l’idée d’époque, de moment, on voit se développer l’idée que le temps qu’il fait est associé à l’époque, à la saison.
Par ailleurs, la transition entre la division dans la durée et la division dans l’espace est illustrée par l’espace-temps et l’adj. spatio-temporel. La division peut donc aussi être réalisée dans l’espace, et c’est même sans doute la notion la plus ancienne. Cette notion apparaît dans des termes comme le temple, contempler (regarder attentivement ; considérer par la pensée), le templier (« chevalier d’un ordre militaire qui fut institué à Jérusalem en 1118, précise Littré, sous Baudoin II, dans une maison voisine du lieu où avait existé le temple de Salomon, d’où l’ordre tira son nom de chevaliers du Temple »), le tome (division d’un ouvrage), l’atome (ce qui n’est pas divisible), l’atomisme (doctrine philosophique de Démocrite, ayant contribué à l’élaboration de l’épicurisme), et les latomies (vastes carrières à ciel ouvert qui servaient de prison à Syracuse, mot à mot « pierres divisées, taillées », à partir du lat. « latomiae » emprunté au grec « latomiaï », formé de « las » ou « laas », « la pierre », et « temnein », « couper », « tailler »).
De nombreux termes illustrent le rad. de temps (« temp- » ou « tremp- ») avec souvent un préfixe : obtempérer, tempérer, tremper, détremper, retremper, intempéré. La base en est le verbe latin « temperare » qui signifie « disposer convenablement (donc dans l’espace) les éléments d’un tout », « combiner », « allier », « mélanger dans de justes proportions », « modérer », « équilibrer », « garder la mesure », d’où « être modéré », comme l’est un climat tempéré, comme l’est quelqu’un qui fait montre de tempérance. Obtempérer, c’est se contenir devant une autorité. Tempérer, c’est donc « calmer », « apaiser ». Tremper son vin, c’est y ajouter de l’eau pour le rendre moins fort, moins alcoolisé. C’était le mode de consommation habituel à Rome. La détrempe est une peinture ayant pour liant de l’eau additionnée de colle ou de gomme. Tremper sa soupe consiste à verser du liquide (bouillon, lait, vin) sur des tranches de pain ou mettre des tranches de pain dans le liquide. La soupe était en effet cette tranche de pain, d’où l’expression apparemment surprenante «»tailler la soupe ». Ce sens de tremper est issu du sens de « mélanger ». Comme ce mélange a pour effet de ramollir, de rendre humide, on voit comment tremper a fini par signifier « mouiller », et détremper « mouiller complètement », sauf lorsqu’il s’agit de l’acier, qui est dit détrempé quand on en a réduit la trempe. Cette trempe est un traitement thermique qui consiste à donner de la rigidité à l’acier en le trempant dans un liquide pour le refroidir brutalement. La retrempe est alors une nouvelle trempe.
Le tempérament est, quant à lui, la résultante, pour un individu, d’une combinaison de nombreuses caractéristiques physiologiques et psychologiques. L’absence de tempérament serait une absence de personnalité, d’où l’expression « avoir du tempérament » qui signifie « avoir une forte personnalité », même si, dans ce cas, la notion de modération a disparu.
Le mélange de chaud et de froid dans l’air, dans des proportions variables, est à l’origine de l’évolution du mot temps vers l’idée du temps qu’il fait. Si le mot « *tempérie » n’existe pas, l’intempérie est un phénomène météorologique brutal, donc sans modération, à moins qu’il ne s’agisse d’une variante de la tempête.
Requiem pour un métier d’autrefois : le tempestaire était, « en Sologne et dans le Berry, [un] sorcier qui, selon la rumeur, détenait le pouvoir de provoquer des intempéries dévastatrices ». (Gérard Boutet, La France en héritage, Perrin, 2007)

Complément

Viennent du grec des mots comme l’atome, l’atomiseur, l’anatomie, l’entomologiste, la dichotomie, la laryngotomie, la tmèse.

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Abréviations et conventions concernant la langue :

abr. abréviation
adj. adjectif
adv. adverbe
a. fr. ancien français
c.-à-d. c’est-à-dire
cf. confer
ex. exemple
fam. familier
fém. féminin
hyb. hybride
id. idem, pareillement
loc. locution
masc. masculin
neut. neutre
part. participe
p.-ê. peut-être
plur. pluriel
pop. populaire
préf. préfixe
prép. préposition
pron. pronom
rac. racine
rad. radical
sing. singulier
subst. substantif
suff. suffixe
vb verbe


Abréviations et conventions concernant le latin :

bas lat. bas latin (à partir du IIIe siècle de notre ère)
lat. latin classique
lat. ecclés. latin ecclésiastique (langue des auteurs chrétiens à partir de la fin de l’Empire)
lat. imp. latin impérial (à partir de la fin du 1er siècle de notre ère)
lat. méd. latin médiéval (à partir du VIIe siècle de notre ère, langue écrite)
lat. pop. latin populaire (à partir du IIIe siècle de notre ère, et dont les formes ne sont pas attestées dans les textes) (1)
lat. vulg. latin vulgaire (à partir du IIIe siècle de notre ère, et dont les formes ne sont pas attestées dans les textes) (1)
grom gallo-roman = latin parlé au Moyen Âge
lat. bot. latin des botanistes


Abréviations et conventions concernant les autres langues :

alld. mot directement emprunté à l’allemand, mais d’origine latine
als. mot directement emprunté à l’alsacien, mais d’origine latine
angl. mot directement emprunté à l’anglais, mais d’origine latine
ara. mot directement emprunté à l’arabe, mais d’origine latine
bre. mot directement emprunté au breton, mais d’origine latine
celt. mot directement emprunté au celtique, mais d’origine latine
esp. mot directement emprunté à l’espagnol, mais d’origine latine
fran. mot directement emprunté au francique, mais d’origine latine
germ. mot directement emprunté au germanique, mais d’origine latine
it. mot directement emprunté à l’italien, mais d’origine latine
occ. mot directement emprunté à l’occitan, mais d’origine latine
piém. mot directement emprunté au piémontais, mais d’origine latine
port. mot directement emprunté au portugais, mais d’origine latine
prov. mot directement emprunté au provençal, mais d’origine latine

< alld. mot emprunté à l’allemand, mais d’origine latine
< als. mot emprunté à l’alsacien, mais d’origine latine
< angl. mot emprunté à l’anglais, mais d’origine latine
< ara. mot emprunté à l’arabe, mais d’origine latine
< bre. mot emprunté au breton, mais d’origine latine
< celt. mot emprunté au celtique, mais d’origine latine
< esp. mot emprunté à l’espagnol, mais d’origine latine
< fran. mot emprunté au francique, mais d’origine latine
< germ. mot emprunté au germanique, mais d’origine latine
< it. mot emprunté à l’italien, mais d’origine latine
< occ. mot emprunté à l’occitan, mais d’origine latine
< piém. mot emprunté au piémontais, mais d’origine latine
< port. mot emprunté au portugais, mais d’origine latine
< prov. mot emprunté au provençal, mais d’origine latine
i.-e. indo-européen
arg. argot
arc. archaïque