La Chair des mots

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PIED

Poésie

À tous les gras, tous les cocus qui
ventripotent dans la vie et
comptent et comptent leurs écus
À tous ceux-là je dresserai le monument
qui leur convient avec la schlague avec
le fouet, avec mes pieds, avec mes poings

Francesca Solleville, À tous les enfants

Étymologie

Pied < lat. pes = le pied < rac. i.-e. *ped- / *pod- qui signifie tomber, aller vers

Domaines

Les quatre éléments : puy (< gre.)
La faune et la flore : morpion, palmipède, pédicelle, pédicellé, pédicule, pédiculé, pedigree (ang.), pédimane, pédipalpe, pédonculaire, pédoncule, pédonculé, pétiole, pétiolé, pied-d’alouette, pied-d’oiseau, pied-de-lion, pied-de-loup, pieuvre, pinnipède, polypier (< gre.), poulpe (< gre.), pourpier, quadrupède, quadrupédie, solipède
Les groupes humains : morpion, pied-noir, piétaille, piétinant, piétinement, piétiner, piéton, piétonnier
Le corps : à cloche-pied, à pied, bipède, cou-de-pied, maxillipède, nu-pieds, pédestre, pédestrement, pédibus, pédieux, peton, pied-de-poule, pouacre (< gre.)
L’habitat : pied-à-terre, pied-droit, piédroit, plain-pied
Le travail manuel : appui, appui-bras, appuie-bras, appuie-main, appuie-tête, appui-main, appui-tête, appuyé, appuyer, chauffe-pieds, chausse-pied, couvre-pied, dépêcher, empêchement, empêcher, empiétement, empiètement, empiéter, expédier, gratte-pieds, haut-le-pied, impedimenta (lat.), marchepied (hyb.), pédale, pédaler, pédaleur, pédalier, pédalo, pédiluve, pied-de-biche, piédestal, piège, piégeage, piéger, piégeur, piétement, piètement, piéter, pige, piger, pigiste, pionnier, podium (< gre.), repose-pied, repose-pieds, rétropédalage, sous-pied, trépied, trousse-pied, vélo (abr.), vélocipède, vélocipédiste
Les arts : appoggiature (< it.)
Les sentiments : appui, appuyer, casse-pieds, empêché, empêcheur, expédient, faire la pige, pied-plat, pige, pitre, pitrerie, pouacre (< gre.)
La communication : dépêche, expédier, expéditeur, expéditif, expédition, expéditionnaire, expéditivement, pige, réexpédier, réexpédition
La spatialité : antipode (< gre.), antipodes (< gre.)
Le travail intellectuel : contre-pied, d’arrache-pied, piètre, piètrement, piger, trapèze (< gre.), trapézoïdal (< gre.), trapézoïde (< gre.)
La physique : impédance (< ang.)
La politique : pion, pionne, va-nu-pieds
L’économie : péage, péager, péagiste
La justice : empêchement, empêcher, empiètement, empiéter
La médecine : orthopédie (hyb.), orthopédique (hyb.), orthopédiste (hyb.), pédicure, pédicurie, pied-bot (hyb.), piétin, podagre (< gre.), polype (< gre.), polypeux (< gre.)
Les loisirs : morpion, pétanque (< prov.), pion, trapèze (< gre.), trapéziste (< gre.)

Commentaire

Le sens premier de « tomber », « aller en descendant », a disparu.
Le pied est omniprésent en dénotation dans toute la famille. On peut se contenter de citer quelques termes, comme (le) bipède, le couvre-pied, l’orthopédie, le palmipède, le peton, le pied-bot, le pied-d’alouette, le pied-de-biche, le pied-de-lion, le piétinement, le piéton, pédestre, le pédicule, le pédoncule, le pédicure, le marchepied, le pédiluve, (le) quadrupède, solipède (qui a un pied massif, un sabot non fourchu, comme le cheval), le trépied, à pied, le piétement (ou piètement), le piédestal, le pédimane (animal dont les pouces des pieds de derrière sont opposables, qui a donc des pieds qui fonctionnent comme des mains), pédieux (qui concerne le pied), le pédipalpe (appendice des arachnides, situé en arrière des crochets venimeux situés sur la tête, et développé en pince chez les scorpions), le trousse-pied (lanière qui maintient levé et replié le pied du cheval pendant qu’on le ferre), le piédroit ou pied-droit (en architecture). Sur l’origine du terme pied-noir, on se reportera utilement à cet article.

Le rad. du mot pied apparaît aussi dans la sous-famille de piéger.
Le piège (« pedica » en lat.) est étymologiquement destiné à capturer des animaux en immobilisant leurs pieds. Virgile parle de pièges pour les grues. Il peut s’agir de pièges à mâchoires. Le terme s’est employé ensuite pour toute espèce de piège, et pour désigner une entrave. De là le piégeur, le piégeage.
On reconnaît aussi facilement le rad. de pied dans empiéter, l’empiétement (ou empiètement), la piétaille (l’infanterie ou les piétons), piéter (avancer en courant, en parlant d’un oiseau), le piétin (maladie du pied du mouton), (la) podagre (la goutte aux pieds, à partir du grec « podagra » qui désignait le piège qui saisit l’animal par le pied, synonyme donc du lat. « pedica »).
Le pied apparaît aussi souvent en connotation, ou se cache dans nombre de termes comme par ex. l’antipode ou les antipodes, le casse-pieds, le contre-pied, d’arrache-pied.
Le rad. de pied est présent aussi dans piètre (littéralement « qui va à pied », d’où « très médiocre », « qui est de peu de valeur »), dans pitre, variante de piètre selon l’étymologie la plus probable, et dans nombre de termes comme le polype (littéralement celui qui a de nombreux pieds), le polypier (squelette secrété par les polypes), le poulpe et la pieuvre (même étymologie que le polype, à partir du lat. « polypus »), (le) pouacre (personne sale, malpropre, avare, à partir du sens en lat. de « goutteux »), le pourpier (littéralement « le pied de poule » : plante aux feuilles comestibles, consommées surtout en salade).
On peut ajouter expédier (littéralement dégager les pieds), l’expédient (littéralement ce qui permet de dégager les pieds, d’où le moyen ingénieux et rapide d’arriver à ses fins), l’expéditeur, l’expédition, expéditif, les impedimenta (les bagages, les charrois qui ralentissent la marche des soldats), empêcher (étymologiquement, « prendre au piège », puis « entraver », à partir des deux sens du lat. « pedica »), l’empêchement, l’empêcheur, dépêcher (antonyme d’empêcher, c’est donc « enlever l’entrave », « délivrer », « permettre de partir, de fuir », « envoyer quelqu’un accomplir une mission sans tarder »), et la dépêche.
On peut ajouter aussi le mot impédance qui se rattache en physique à l’idée de retenir, de contenir. C’est, dit Larousse, le « rapport de l’amplitude complexe d’une grandeur sinusoïdale (tension électrique, pression acoustique) à l’amplitude complexe de la grandeur induite (courant électrique, flux de vitesse), dont le module se mesure en ohms ». Le trapèze est étymologiquement une table à quatre (« tra- » pour « tétra- » en grec) pieds (« -peza »). De là le trapéziste. Le vélocipède, le moyen de locomotion qui permet littéralement d’avoir les pieds (« -pède ») rapides (« véloci- »), est un cycle mû grâce à des pédales fixées sur le moyeu de la roue avant, ancêtre de la bicyclette. À noter cependant que l’abréviation vélo est communément employée comme synonyme de bicyclette.
L’étymologie du mot pion est complexe. Au sens de pièce de base de certains jeux, comme les échecs et les dames, il est possible (Littré) que l’étymologie soit à chercher dans la famille de paon. Le pion avait, paraît-il, la figure de cet oiseau. Très vite, le mot pion, en ce sens, s’est confondu avec le mot pion appartenant à la famille de pied. Le pion est d’abord un fantassin, un piéton, puis un homme sans bien, sans appui, sans importance, un élément classé tout en bas d’une hiérarchie. C’est ainsi que les élèves appellent avec mépris les surveillants des pions. Le morpion, quant à lui, mord les pions, ici les fantassins, pas les pieds.
Le pionnier est aussi un piéton : c’est d’abord un travailleur dont on se sert à l’armée pour aplanir les chemins, remuer les terres. Le terme est aussi utilisé pour désigner les soldats dans les compagnies de discipline. À partir de la notion de terrassement, le terme évolue vers le sens d’ouvrier qui prépare la voie aux autres dans les exploitations minières. Le terme devient nettement mélioratif quand il prend le sens d’initiateur, de découvreur. Le pionnier est celui qui s’installe sur de nouvelles terres à défricher, dans l’Ouest américain en particulier.
On rencontre aussi le pedigree (à partir du fr. « pied de grue », à cause de la façon dont les haras enregistraient les données avec trois petits traits rectilignes), le pétiole. Le péage est étymologiquement le droit de mettre les pieds dans un lieu. La pédale est un mécanisme actionné avec le pied. De là le pédalier, pédaler, le pédaleur (cycliste), le pédalo. La pétanque est une activité qui se pratique en ayant le pied (« pé- ») fixe (« -tanque », à partir du provençal « tanco », le pieu), c’est-à-dire que la boule est lancée sans élan. Le podium est étymologiquement un petit pied, puis un espace pour poser les pieds, puis une plate-forme autour de l’arène de l’amphithéâtre, puis une petite estrade où se placent les vainqueurs sportifs pour y recevoir leurs récompenses. C’est cette idée de surélévation qui explique le mot puy, le mont, l’éminence, à partir du même mot podium. On ne sait cependant pas bien si cette évolution sémantique est directement celle du mot « estrade », ou si c’est le nom de la ville du Puy qui a favorisé cette évolution sémantique du mot podium vers le sens d’« éminence », de « petite montagne ». C’est sur ce terme podium qu’est construite toute la sous-famille de appui. L’appui est, selon les contextes, une petite éminence, un soutien, une sorte d’étai, une aide. De là l’appui-tête, ou appuie-tête, appuyer. De là aussi l’appoggiature, « petite note (Littré) sur laquelle on appuie avant d’attaquer la note principale, notes plus ou moins nombreuses qui n’appartiennent point à l’harmonie et qui se trouvent aux temps forts des mesures ou aux parties fortes des temps ».
Les termes pige, y compris dans l'expression « faire la pige », piger, pigiste posent problème. Leur rattachement à la famille de pied est évident, mais le cheminement sémantique qui rend compte des diverses significations l’est moins. On peut, semble-t-il, partir de piger au sens de « prendre », « prendre sur le fait », emploi désuet aujourd’hui en dénotation, mais très fréquent en connotation, où piger revient à se saisir par l’esprit, c’est-à-dire comprendre. Le lien est assuré avec le mot « pedica », le piège (cf. plus haut). On passe alors au sens de « rivaliser », « se mesurer avec quelqu’un » (sur pedica, il existe en lat. pop. un adj. « pedicus » qui signifie « qui prend les pieds », « qui prend au piège) », d’où l’expression « faire la pige à quelqu’un », c’est-à-dire « faire mieux que lui ». Dans le voc. des jeux, en particulier au jeu du bouchon, piger passe de « rivaliser » à « contester entre soi l’avantage au jeu, prétendre être le plus près du but » (CNRTL), d’où « définir », en prenant le pied comme unité de mesure, « quel est le palet le plus près du bouchon ». De là la notion de mesure, d’étalon que prend le mot pige. « Au Moyen Âge, (Wiktionnaire) les bâtisseurs de cathédrales utilisaient une pige constituée de cinq tiges articulées, chacune étant l’étalon d’une unité de mesure de l’époque : la paume, la palme, l’empan, le pied et la coudée. Toutes ces mesures sont reportées par chacun des ouvriers qui en a l’utilité sur une règle appelée pige. » Par extension, un journaliste payé à la pige l’est en fonction de la longueur de son article, du nombre de caractères. Par métonymie, la pige devient la rétribution de la tâche. Le mot est aussi utilisé en argot où il prend le sens d’année. Pour être complet, piger a parfois aussi le sens de « fouler », piétiner. Ce sens semble être dérivé du sens de « mesurer avec le pied », sens qui serait influencé par le lat. « pistrire » dérivé de « pinsere » et qui signifie « broyer », « écraser » (cf. l’entrée pétrir).

Complément

Viennent du grec des mots comme Œdipe, le podomètre, le céphalopode, la podologie, le gastéropode, le podologue.
Viennent du germ. via l’ang. : le football, le footballeur, le footing (sens premier : le point d’appui pour le pied).
Viennent du persan : la babouche, le pyjama (< pae-jama, avec pae- = pied, puis jambe).

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Abréviations et conventions concernant la langue :

abr. abréviation
adj. adjectif
adv. adverbe
a. fr. ancien français
c.-à-d. c’est-à-dire
cf. confer
ex. exemple
fam. familier
fém. féminin
hyb. hybride
id. idem, pareillement
loc. locution
masc. masculin
neut. neutre
part. participe
p.-ê. peut-être
plur. pluriel
pop. populaire
préf. préfixe
prép. préposition
pron. pronom
rac. racine
rad. radical
sing. singulier
subst. substantif
suff. suffixe
vb verbe


Abréviations et conventions concernant le latin :

bas lat. bas latin (à partir du IIIe siècle de notre ère)
lat. latin classique
lat. ecclés. latin ecclésiastique (langue des auteurs chrétiens à partir de la fin de l’Empire)
lat. imp. latin impérial (à partir de la fin du 1er siècle de notre ère)
lat. méd. latin médiéval (à partir du VIIe siècle de notre ère, langue écrite)
lat. pop. latin populaire (à partir du IIIe siècle de notre ère, et dont les formes ne sont pas attestées dans les textes) (1)
lat. vulg. latin vulgaire (à partir du IIIe siècle de notre ère, et dont les formes ne sont pas attestées dans les textes) (1)
grom gallo-roman = latin parlé au Moyen Âge
lat. bot. latin des botanistes


Abréviations et conventions concernant les autres langues :

alld. mot directement emprunté à l’allemand, mais d’origine latine
als. mot directement emprunté à l’alsacien, mais d’origine latine
angl. mot directement emprunté à l’anglais, mais d’origine latine
ara. mot directement emprunté à l’arabe, mais d’origine latine
bre. mot directement emprunté au breton, mais d’origine latine
celt. mot directement emprunté au celtique, mais d’origine latine
esp. mot directement emprunté à l’espagnol, mais d’origine latine
fran. mot directement emprunté au francique, mais d’origine latine
germ. mot directement emprunté au germanique, mais d’origine latine
it. mot directement emprunté à l’italien, mais d’origine latine
occ. mot directement emprunté à l’occitan, mais d’origine latine
piém. mot directement emprunté au piémontais, mais d’origine latine
port. mot directement emprunté au portugais, mais d’origine latine
prov. mot directement emprunté au provençal, mais d’origine latine

< alld. mot emprunté à l’allemand, mais d’origine latine
< als. mot emprunté à l’alsacien, mais d’origine latine
< angl. mot emprunté à l’anglais, mais d’origine latine
< ara. mot emprunté à l’arabe, mais d’origine latine
< bre. mot emprunté au breton, mais d’origine latine
< celt. mot emprunté au celtique, mais d’origine latine
< esp. mot emprunté à l’espagnol, mais d’origine latine
< fran. mot emprunté au francique, mais d’origine latine
< germ. mot emprunté au germanique, mais d’origine latine
< it. mot emprunté à l’italien, mais d’origine latine
< occ. mot emprunté à l’occitan, mais d’origine latine
< piém. mot emprunté au piémontais, mais d’origine latine
< port. mot emprunté au portugais, mais d’origine latine
< prov. mot emprunté au provençal, mais d’origine latine
i.-e. indo-européen
arg. argot
arc. archaïque