La Chair des mots

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GENRE

Poésie

Je partirai ! Steamer balançant ta mâture
Lève l’ancre pour une exotique nature !

Stéphane Mallarmé, Brise marine

Étymologie

Genre < lat. genus = le genre, l’espèce, la race < rac. i.-e. *gen-H1- (*gene-) qui signifie engendrer et naître. Le sanscrit offre une forme janus = la race.

Domaines

Les quatre éléments : nature, naturel, naturellement, naturisme, naturiste
La faune et la flore : congénère, géniture, gent, gentiane, germe, germé, germen (lat.), germer, germinatif, germination, germoir, naissain, naisseur, naturalisation, naturaliser, nature, sous-genre, sui generis (lat.)
Les groupes humains : aîné, aînesse, cognat, cognation, congénère, congénital, congénitalement, dernier-né, gendre, génération, géniteur, génitrice, géniture, gens, gens (les), gent, gentilité, germain, germen (lat.), indigène (hyb.), nation, national, nationalité, nationaux, premier-né, progéniture, puîné, sous-genre, sui generis (lat.)
Le corps : engendrer, génératif, génération, génital, génitoire, génitoires, prégnante, prégnation, uro-génital
L’habitat : gentilhommière
Le travail manuel : agencement, agencer, anéantir, anéantissement, dégermer, engin, gazogène (< gre.), générateur, génératrice, générer, imprégnation, imprégner, régénérateur, régénération, régénéré, régénérer, surgénérateur, surgénération, surrégénérateur, surrégénération
Les arts : générale, générique, gens de lettres, indigénisme (hyb.), indigéniste (hyb.), ingénue, naturalisme, naturaliste, nature morte
Les sentiments : antinaturel, dénaturé, entregent, fainéant, fainéanter, fainéantise, gendarmer (se), généreusement, généreux, générosité, gentil, gentilhomme, gentillesse, gentillet, gentiment, gentleman, germanophile (hyb.), germanophilie (hyb.), germanophobe (hyb.), germanophobie (hyb.), ingénu, ingénuité, ingénument, naïf, naïvement, naïveté, nature, naturel, naturellement, naturisme, naturiste
La communication : généraliste, génératif, générique, génitif, germanisant, germanisation, germaniser, germanisme, germaniste, germanophone (hyb.)
La spatialité : étranger, germain, germanique, germanisant, germanisation, germaniser, international, internationalisation, internationaliser, internationalité, multinational, natif, nationale
La temporalité : dénatalité, germinal, mortinatalité, mort-né, naissance, naissant, naître, natal, natalité, natif, nativement, né, néonatal (hyb.), néonatalogie (hyb.), nouveau-né, périnatal, périnatalité, périnatalogie (hyb.), post-natal, postnatal, première-née, prénatal, renaissance, renaissant, renaître, surnatalité
La spiritualité : étrange, étrangement, étrangeté, gentil, gentils, nativité, surnaturel
Le travail intellectuel : en général, général, généralement, généralisable, généralisant, généralisateur, généralisation, généraliser, généralité, génératrice, génial, génialement, génie, ingénier à (s’) (hyb.), ingénierie, ingénieriste, ingénieur, ingénieur-conseil, ingénieusement, ingénieux, ingéniosité, inné, innéisme, innéiste, innéité, nativisme, nativiste, naturant, néanmoins, néant, néantisation, néantiser
La physique : dénaturant, dénaturation, dénaturé, dénaturer, fumigène (hyb.), germicide
La politique : antinational, antinazi, binational, binationalité, dénationaliser, dénazification, dénazifier, étranger, extranéité, génocide (hyb.), gentilhomme, gentils, indigénat (hyb.), indigénisme (hyb.), indigéniste (hyb.), internationale, internationalisme, internationaliste, nataliste, nationalisation, nationaliser, nationalisme, nationaliste, national-socialisme, national-socialiste, nationaux, naturalisation, naturaliser, nazi, nazisme, supranational, supranationalité, transnational
L’économie : multinationale
La justice : aînesse, génocide (hyb.), primogéniture
La médecine : antigène (hyb.), bénigne, bénignement, bénignité, bénin, dégénération, dégénéré, dégénérer, dégénérescence, dégénérescent, généraliste, générique, germe, mutagène (hyb.)
L’armée : gendarme, gendarmerie, générale, généralissime (< it.)
Divers : Bénigne, Germain, Germaine, Germanie, Natanaël, Nathalie, Noël, Noëlle, Renaissance, René, Renée, Tallia

Commentaire

Le terme lui-même de genre pose problème : du sens initial de « race » (le genre humain comme synonyme de race humaine, en oubliant le racialisme qui définit et classe diverses races humaines), il est passé à celui d’« ensemble des êtres vivants situés, dans une classification, entre la famille et l’espèce », puis à celui de « catégorie de sujets littéraires ou artistiques de même nature (le roman par ex.) », sans oublier le sens de « style », de « sorte », de « manière », de « manière de se comporter », et enfin de « catégorie grammaticale fondée sur la distinction des sexes », ce dernier sens étant à la base de la polémique sur la théorie du genre.
Ce terme genre, à lui seul, illustre toutes les nuances qui apparaissent dans les lignes qui suivent.
On peut considérer le sens d’engendrer comme premier. Il est illustré par des termes comme le germe, le germen (embryon avant la différenciation des cellules), germer, (le) germicide, germinal, germinatif, la germination, le germoir, génital, le géniteur, les génitoires, la génitrice, la géniture, congénital, et évidemment engendrer. On peut ajouter générer (produire), la génération, la dégénérescence, générateur, génératif, la régénération, régénérer. Le mot générique, comme adj., désigne un produit (médicament) vendu sans nom de marque, et comme subst., il renvoie à la liste des personnes (acteurs, techniciens, réalisateur, etc.) qui ont contribué à la création d’un film ou d’une émission télévisée.
Par extension de sens de cette idée d’engendrer, on rencontre la génératrice, le générateur, générique, le surgénérateur, le régénérateur, la surrégénération, le fumigène.
La sous-famille de germer est quant à elle complexe. Si germain est limpide quand il s’agit d’évoquer des enfants nés du même père et de la même mère, puis des cousins dont les pères sont frères, ou dont les mères sont sœurs, il n’en va pas de même quand il s’agit de renvoyer à la Germanie. Que le mot lat. Germania désignant la Germanie soit phonétiquement lié à « germanus » ayant évolué en germain, cela est évident. Reste que les Germains ne sont ni des frères, ni des cousins des Romains… Il semble qu’à partir d’un terme celtique (« ger » ou « gair ») signifiant « voisin », précédant le radical « man » signifiant « l’homme », ces deux termes n’ayant rien de latin, les Romains aient formé un « germanus » leur rappelant le « germanus » signifiant naturel, issu de mêmes parents (cf. ci-dessus), et aient fait un rapprochement un peu rapide entre l’idée de voisinage et celle de lien de sang. Faute de mieux, on s’en tiendra à cette explication. Sur ce terme germain, on rencontre évidemment germaniser, le germaniste, le germanophile et le germanophobe.
Le génie a d’abord été, à Rome, un démon tutélaire qui préside à la conception, à la destinée d’un individu. Le mot a pris ensuite le sens de « dispositions naturelles », « caractère », « tendances naturelles de l’esprit », puis celui de « dispositions exceptionnelles ». De là des termes comme génial, ingénieux, l’ingéniosité, s’ingénier, d’où l’ingénieur, l’ingénieriste, l’ingénieurie. Ces derniers termes sont dérivés du mot engin (« ingenium », en lat., signifie littéralement « ce qu’on a dans l’esprit ») qui a d’abord signifié l'« adresse », l'« invention », l'« intelligence », le « talent », la « ruse », puis l’« invention ingénieuse », la « machine de guerre », puis « n’importe quel instrument ».
Celui qui est bien , d’extraction noble, qui a de nobles sentiments, est généreux, d’où sa propension à donner.
Très proche de cette nuance première d’engendrer, on rencontre celle de nature. La nature est la force qui engendre. Le terme est polysémique et désigne tout à la fois (CNRTL) « la force active qui a établi et maintient l’ordre de l’univers », « l’organisation particulière de chacun des êtres vivants », « le mouvement qui le porte vers les choses nécessaires à sa conservation », « la faculté innée qui rend l’homme capable de discerner le bien et le mal », « l’ensemble du monde, des êtres et des choses, l’univers en tant qu’ordonné et régi par les lois », « le monde physique », « l’ensemble des caractères, des propriétés qui définissent les objets », « les essences, les attributs propres à un être », d’où le concept de nature humaine, de nature animale, de nature végétale, « la disposition, la tendance que l’être apporte en naissant », « la complexion, le tempérament de chaque individu », « la personne elle-même », « la constitution du corps humain, le principe de vie qui l’anime et le soutient », « l’état naturel de l’homme (par opposition à la grâce) », dans une perspective chrétienne, l’état naturel de l’homme avant que la société ne le pervertisse (chez Jean-Jacques Rousseau), donc « l’homme tel que la nature le fait », donc l’homme naturel et bon. Comme illustration de telle ou telle de ces significations, on rencontre la dénaturation, dénaturer, dénaturé, la naturalisation, naturaliser, le naturalisme, le naturaliste, naturant, la nature morte, naturel, naturellement, le naturisme, le naturiste, surnaturel.
Cet engendrement a pour conséquence la naissance. De nombreux termes illustrent cette nuance, comme la dénatalité, l’extranéité, les prénoms René et Renée, Noël et Noëlle, la Renaissance, le congénère, l’indigène, l’indigénat, ingénu, l’ingénu, l’ingénue, inné, l’innéisme, l’innéité, la mortinatalité, le naissain, le naisseur, natal, nataliste, la natalité, natif, naître, le nouveau-né, néonatal, post-natal (ou postnatal), prégnante (qui se situe avant la naissance, l’accouchement, donc, au fém., « enceinte », pour une femme, « grosse », pour une femelle), la prégnation (synonyme de « gestation »), prénatal, périnatal, la renaissance, renaître, puîné, imprégner (dont le sens littéral est « féconder », « rendre prégnante) », l’imprégnation, le nativisme, la nativité, la surnatalité.
La naïveté, étymologiquement, est un état de naissance, c’est l’état du cerveau à la naissance… On est tout près de ce sens avec l’adj. ingénu. À partir du sens, au niveau lat., de naturel, l’adj. ingénu glisse vers le sens de « qui agit et parle avec une innocente franchise », « qui est (donc ! ) de parents libres », « qui est de condition libre », « sincère », « franc ». Celui qui est ailleurs que dans le pays où il réside est un étranger. Souvent, ses mœurs surprennent, quand elles ne choquent pas ! Il est étrange (cf. l’entrée extérieur).
Dans une perspective tout autre, bénin et son fém. bénigne, au sens de « bienveillant », pourraient être traduits littéralement par « bien  » et « bien née », «qui manifeste de la bonté naturelle ».
De cette naissance résulte l’existence d’individus, des gens qui forment ou non une famille. Pour illustrer cette nuance, on peut citer l’aînesse, l’aîné, le gendre, la gent, le génocide, la progéniture, la cognation (parenté par consanguinité), le cognat (parenté par cognation).
Le terme entregent a d’abord désigné la capacité qu’avaient les faucons à vivre au milieu (entre) les gens, puis, pour les êtres humains, l’habileté, l’adresse à se conduire, à se faire valoir. Ce terme gens a aussi servi de base à la création de la sous-famille de néant, signifiant littéralement « pas même un être humain ». C’est un sens qu’on peut identifier quand le terme néant figure comme réponse, dans une grille, un formulaire, un tableau, à la place d’une liste de noms. Comme tous les termes fonctionnant en même temps que la négation (« ne… pas », « ne… goutte », « ne… point », « ne… guère », etc.), il a perdu son sens et est devenu un mot outil synonyme de « rien », d’où son emploi avec le vb faire pour désigner celui qui ne fait rien, à savoir le fainéant. Ce terme fainéant s’est imposé et a éliminé un « feignant » tiré du vb « feindre », et désignant celui qui donne de mauvaises excuses pour ne pas travailler, le paresseux, donc le fainéant.
On peut ajouter le génitif (cas, dans certaines langues, qui marque essentiellement un lien de parenté). Et les gens qui portent des armes sont des gendarmes.
Ces gens, réunis, forment une nation, et, là encore, outre le mot nation, de nombreux termes illustrent cette nuance, comme dénationaliser, international, l’internationale, l’internationalisation, internationaliser, l’internationalisme, national, le national-socialisme, le nazisme, national-socialiste, nazi, la nationalisation, la (route) nationale, nationaliser, le nationalisme, la nationalité, les nationaux, supranational, multinational, la multinationale.
Le subst. gens a aussi donné l’adj. gentil dont l’évolution est complexe. Sur un sens lat. de « qui appartient à la famille, à la race, au peuple », les gentils (« gentiles » en lat.) ont désigné les peuples, en fait les autres peuples, les autres, par opposition aux juifs, puis ceux qui n’étaient pas chrétiens pour les chrétiens latins. La gentilité était l’ensemble des peuples païens. Sur l’adj. lat. « gentilis », signifiant « propre à la race, à la famille », l’adj. gentil a aussi évolué vers le sens de « noble de naissance », « qui manifeste de la noblesse d’âme ou de sentiments », puis « qui fait montre de grâce, de délicatesse », « qui a un trait d’esprit agréable, bienveillant, délicat ». De là la gentillesse, le gentilhomme, le gentleman.
Assez proche est l’évolution de agencer : sur le même adj. lat. « gentilis », ou sur un adj. « genitus », on a en fr. un adj. gent qui signifie « délicat », « joli ». Agencer a alors dans un premier temps signifié « rendre beau », « parer », avant d’insister sur la notion d’ordre, de bon ordre.
C’est aussi sur la racine de gens qu’a été formé le patronyme Gentius, roi d’Illyrie, qui aurait découvert les vertus médicinales de la plante nommée en son honneur « gentiana », la gentiane.
Plus large encore que la notion de nation, on a vu au début de cet article que le mot genre renvoie à une notion de « race », de nature, d’« ensemble ». C’est de cette notion d’« ensemble » que dépendent des termes comme général, généraliser, la généralité. Au sens militaire, le général est un capitaine général qui commande à un ensemble d’unités, chaque capitaine commandant à une unité. Les lecteurs de Candide n’ont pas oublié le général des jésuites, le frère de Cunégonde, dont les exploits sont contés au chapitre XIV de l’œuvre de Voltaire.

Complément

Viennent du grec des mots comme la généalogie, homogène, hétérogène, Eugène, le gène, la genèse, génique, (la) génétique, génésique, le génétisme, le généticien, le génome (via l’alld.), le génotype, génétiste, le génétisme, génétiquement, génésiaque, allogène, et des termes incluant le radical « -gon- », comme la gonorrhée, le gonocoque, la théogonie, la cosmogonie.

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Abréviations et conventions concernant la langue :

abr. abréviation
adj. adjectif
adv. adverbe
a. fr. ancien français
c.-à-d. c’est-à-dire
cf. confer
ex. exemple
fam. familier
fém. féminin
hyb. hybride
id. idem, pareillement
loc. locution
masc. masculin
neut. neutre
part. participe
p.-ê. peut-être
plur. pluriel
pop. populaire
préf. préfixe
prép. préposition
pron. pronom
rac. racine
rad. radical
sing. singulier
subst. substantif
suff. suffixe
vb verbe


Abréviations et conventions concernant le latin :

bas lat. bas latin (à partir du IIIe siècle de notre ère)
lat. latin classique
lat. ecclés. latin ecclésiastique (langue des auteurs chrétiens à partir de la fin de l’Empire)
lat. imp. latin impérial (à partir de la fin du 1er siècle de notre ère)
lat. méd. latin médiéval (à partir du VIIe siècle de notre ère, langue écrite)
lat. pop. latin populaire (à partir du IIIe siècle de notre ère, et dont les formes ne sont pas attestées dans les textes) (1)
lat. vulg. latin vulgaire (à partir du IIIe siècle de notre ère, et dont les formes ne sont pas attestées dans les textes) (1)
grom gallo-roman = latin parlé au Moyen Âge
lat. bot. latin des botanistes


Abréviations et conventions concernant les autres langues :

alld. mot directement emprunté à l’allemand, mais d’origine latine
als. mot directement emprunté à l’alsacien, mais d’origine latine
angl. mot directement emprunté à l’anglais, mais d’origine latine
ara. mot directement emprunté à l’arabe, mais d’origine latine
bre. mot directement emprunté au breton, mais d’origine latine
celt. mot directement emprunté au celtique, mais d’origine latine
esp. mot directement emprunté à l’espagnol, mais d’origine latine
fran. mot directement emprunté au francique, mais d’origine latine
germ. mot directement emprunté au germanique, mais d’origine latine
it. mot directement emprunté à l’italien, mais d’origine latine
occ. mot directement emprunté à l’occitan, mais d’origine latine
piém. mot directement emprunté au piémontais, mais d’origine latine
port. mot directement emprunté au portugais, mais d’origine latine
prov. mot directement emprunté au provençal, mais d’origine latine

< alld. mot emprunté à l’allemand, mais d’origine latine
< als. mot emprunté à l’alsacien, mais d’origine latine
< angl. mot emprunté à l’anglais, mais d’origine latine
< ara. mot emprunté à l’arabe, mais d’origine latine
< bre. mot emprunté au breton, mais d’origine latine
< celt. mot emprunté au celtique, mais d’origine latine
< esp. mot emprunté à l’espagnol, mais d’origine latine
< fran. mot emprunté au francique, mais d’origine latine
< germ. mot emprunté au germanique, mais d’origine latine
< it. mot emprunté à l’italien, mais d’origine latine
< occ. mot emprunté à l’occitan, mais d’origine latine
< piém. mot emprunté au piémontais, mais d’origine latine
< port. mot emprunté au portugais, mais d’origine latine
< prov. mot emprunté au provençal, mais d’origine latine
i.-e. indo-européen
arg. argot
arc. archaïque