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DIEU

Poésie

Ainsi, l’aut’ jour eun’ pauv’ dintellière,
In amiclotant sin p’tit garchon
Qui d’puis tros quarts d’heure, n’faijot qu’braire ?
Tâchot d’linformir par eun’ canchon

Alexandre Desrousseaux, Traditionnel ch’ti, Le P’tit Quinquin

Étymologie

Dieu < lat. deus < rac. i.-e. *dey- / *dey-w-/ *dy-ew-) qui signifie briller, de lumière pour désigner le ciel lumineux considéré comme divinité, les dieux, par opposition à la terre, aux hommes. Le sanscrit offre devah = le dieu.

Domaines

Les quatre éléments : contre-jour, demi-jour, diurne, jour, jovien, jupitérien
La faune et la flore : belle-de-jour, joubarbe
Le corps : ajour, ajouré, ajourer, endimancher
L’habitat : ajour, ajouré, ajourer, bonheur-du-jour
Le travail manuel : abat-jour, adieu-va, adieu va, à-Dieu-va, à-dieu-va, à-Dieu-vat, à-dieu-vat, a giorno (it.), journalier, méridienne
Les arts : diva (it.), divette
Les sentiments : dive, jovial (< it.), jovialement, jovialité, midinette
La communication : adieu, aggiornamento, bonjour, cent dieux, cinq cents milliards de dieux, crénom, crévindieu, crévindiou, journal, journalisme, journaliste, journalistique, nom de Dieu, tête-bleu, têtebleu, tudieu, vain dieu, vains dieux, vertubleu, vertuchou, vingt dieux
La spatialité : méridien, méridienne, méridional, séjour, séjourner
La temporalité : ajourné, ajournement, ajourner, après-midi, aujourd’hui, biquotidien, circadien, décadi, demi-journée, dimanche, dominical, duodi, jeudi, journalier, journée, journellement, lundi, mardi, mercredi, midi, nonidi, octidi, primidi, quartidi, quintidi, quotidien, quotidiennement, quotidienneté, samedi, septidi, sextidi, sine die, tandis que, toujours, tridi, vendredi
La spiritualité : adieu-va, adieu va, à-Dieu-va, à-dieu-va, à-Dieu-vat, à-dieu-vat, aggiornamento, agnus dei, bondieusard, bondieuserie, cent dieux, cinq cents milliards de dieux, corbleu, crénom, crévindieu, crévindiou, déesse, déicide, déification, déifier, déisme, déiste, déité, demi-dieu, devin, devineresse, dies irae (lat.), divin, divinateur, divination, divinatoire, divinement, divinisation, diviniser, divinité, fête-Dieu, jarnidieu, jovien, Jupiter, jupitérien, Juppiter, morbleu, nom de Dieu, palsambleu, parbleu, pardi, pardienne, pardieu, pardine, parguienne, prie-Dieu, sacrebleu, sacredieu, te deum (lat.), tête-bleu, têtebleu, tudieu, vain dieu, vains dieux, ventrebleu, vertubleu, vertuchou, vingt dieux
Le travail intellectuel : ajourné, ajourner, deviner, devinette
La politique : diète
La médecine : hôtel-Dieu
Les loisirs : méridienne
Divers : Amédée, Divine

Commentaire

Le sens premier de la rac. est celui de « lumière ». L’expression it. a giorno signifie « comme en plein jour ». D’autres termes illustrent cette nuance, comme le contre-jour, le demi-jour, diurne, la méridienne (en géographie, en mathématique, quand ce n’est pas un lit de repos ou la sieste elle-même), le méridien.
De la nuance de lumière, on passe à celle d’ouverture, en couture, avec le jour (sens spécifique), l’ajour, ajourer. Le jour, c’est aussi la durée de vingt-quatre heures, avec, pour illustrer cette nuance, l’après-midi, la belle-de-jour, le bonheur-du-jour (petit bureau), le bonjour, circadien, le dies irae, la journée, midi, la midinette (qui se contente d’une dînette comme repas à midi), toujours, littéralement « tous les jours », « jour après jour ». On peut ajouter tandis que, qui signifie « aussi longtemps que », sens dérivé directement du lat. « tamdiu », puis a pris le sens de « alors que », dans une nuance d’opposition. Littéralement, « tandis » signifie « *tellement (tan-) aussi longtemps qu’une journée (-dis) ». Séjourner, enfin, c’est étymologiquement « durer un certain temps », « passer un peu (sens évolué de sub- devenant sé-) de temps (-journer) dans un lieu ».
Le jour, c’est aussi la date, comme l’attestent de nombreux termes : l’aggiornamento, l’ajournement, ajourner, aujourd’hui, la diète (ici, le jour fixé pour une assemblée officielle), dimanche, dominical, endimancher, lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi, primidi, duodi, tridi, quartidi, quintidi, sextidi, septidi, octidi, nonidi, décadi, quotidien, le journal, le journalisme, sine die.
La rac. associe dès l’i.-e. la notion de lumière et celle de divinité. Cette dernière nuance est présente dans de très nombreux termes. Ces termes peuvent être utilisés en dénotation, dans une perspective polythéiste ou monothéiste. On peut citer, par ex., le te deum, la diva, l’adieu, l’agnus dei, le demi-dieu, la divinité, la déesse, le déisme, le déicide, la divination. Sur ce radical, on peut ajouter le devin, deviner, la joubarbe (barbe de Jupiter), jovial et la jovialité. La nuance de divinité est largement illustrée par des jurons. Dans les lignes qui suivent, par convention, le mot « dieu » est orthographié avec une majuscule quand il est employé au sing. Dans ces jurons, « bleu » est souvent utilisé, par euphémisme, à la place de Dieu. Il en va de même pour diou. Pour comprendre ces jurons, il faut rétablir la séquence initiale « je blasphème », « je jure ». Dans sacredieu (et sacrebleu), « sacre » présente une interférence entre l’adj. « sacré » et « sacre » au sens de « brigand ». Sacredieu signifie « je remets en cause le caractère sacré de Dieu », ou « je considère Dieu comme un brigand ». Crénom est une aphérèse pour « sacré nom de Dieu ». Dans tudieu, tu- est une aphérèse pour « vertu ». Tudieu signifie « je blasphème en remettant en cause la vertu de Dieu. » Palsambleu est plus clair et signifie « par le sang de Dieu ». Jarnidieu correspond évidemment à « je renie Dieu », morbleu peut se traduire par « j’en appelle à la mort de Dieu ». Corbleu correspond à « je blasphème par (en reniant) le corps de Dieu ». Les jurons parbleu, pardi, pardienne, pardieu, pardine et parguienne correspondent tous à « je blasphème par Dieu », « je remets en cause le caractère divin de Dieu ». Morbleu, de son côté, souhaite la mort de Dieu, ou, plus vraisemblablement, affirme que Dieu est mort. Qu’il s’agisse de tête-bleu, ou têtebleu, ou de ventrebleu, le mécanisme est toujours le même : on s’en prend pour jurer à une partie de la personne humanisée de Dieu, et, par euphémisme, on remplace Dieu par « bleu ». Une mention spéciale peut être décernée à « vains dieux » qui fait référence au polythéisme, ce qui est déjà une hérésie par rapport au christianisme dominant. L’affaire se complique avec le passage au sing. « vain Dieu » ou « vain dieu » : cette fois-ci, c’est bien au Dieu chrétien qu’on s’en prend. Problème : l’adj. « vain », sans être rare, a été souvent mal compris et interprété comme « vingt », d’où un retour au polythéisme, avec « vingt dieux ». Pour corser l’affaire, l’inflation s’en est mêlée, faisant passer « vingt dieux » à « cent dieux », voire « mille dieux », le juron pouvant atteindre, dans les pires cas, inflation galopante oblige, « cinq cents milliards de dieux »… On peut même combiner « crénom » et « vains dieux » et arriver à « crévindieu » ou « crévindiou »…
Pour finir, arrêtons-nous un instant sur l’expression orthographiée tantôt « à-dieu-va », tantôt « à-Dieu-va », tantôt « à-Dieu-vat », tantôt « à-dieu-vat », tantôt même « adieu va », tantôt encore « adieu-va »… Selon certains étymologistes - grammairiens, comme Grévisse, « va » serait un impératif, avec un [t] d'origine populaire rajouté après coup, et l’expression signifierait « [marin, si tu dois mourir dans cette tempête,], va à Dieu ». Il est plus probable que « vat » soit une forme archaïque de subj. de souhait. L’expression reviendrait alors à dire « [grâce] à Dieu, [que le bateau] aille, navigue », c’est-à-dire « que Dieu veille à la sauvegarde de ce bateau et à la nôtre, pauvres pêcheurs (ou pécheurs !)… ». Dans l’expression, l’orthographe « adieu » semble être une réfection tardive et fautive.

Complément

Au sens de « régime alimentaire », le mot diète appartient à la famille de âge.

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Abréviations et conventions concernant la langue :

abr. abréviation
adj. adjectif
adv. adverbe
a. fr. ancien français
c.-à-d. c’est-à-dire
cf. confer
ex. exemple
fam. familier
fém. féminin
hyb. hybride
id. idem, pareillement
loc. locution
masc. masculin
neut. neutre
part. participe
p.-ê. peut-être
plur. pluriel
pop. populaire
préf. préfixe
prép. préposition
pron. pronom
rac. racine
rad. radical
sing. singulier
subst. substantif
suff. suffixe
vb verbe


Abréviations et conventions concernant le latin :

bas lat. bas latin (à partir du IIIe siècle de notre ère)
lat. latin classique
lat. ecclés. latin ecclésiastique (langue des auteurs chrétiens à partir de la fin de l’Empire)
lat. imp. latin impérial (à partir de la fin du 1er siècle de notre ère)
lat. méd. latin médiéval (à partir du VIIe siècle de notre ère, langue écrite)
lat. pop. latin populaire (à partir du IIIe siècle de notre ère, et dont les formes ne sont pas attestées dans les textes) (1)
lat. vulg. latin vulgaire (à partir du IIIe siècle de notre ère, et dont les formes ne sont pas attestées dans les textes) (1)
grom gallo-roman = latin parlé au Moyen Âge
lat. bot. latin des botanistes


Abréviations et conventions concernant les autres langues :

alld. mot directement emprunté à l’allemand, mais d’origine latine
als. mot directement emprunté à l’alsacien, mais d’origine latine
angl. mot directement emprunté à l’anglais, mais d’origine latine
ara. mot directement emprunté à l’arabe, mais d’origine latine
bre. mot directement emprunté au breton, mais d’origine latine
celt. mot directement emprunté au celtique, mais d’origine latine
esp. mot directement emprunté à l’espagnol, mais d’origine latine
fran. mot directement emprunté au francique, mais d’origine latine
germ. mot directement emprunté au germanique, mais d’origine latine
it. mot directement emprunté à l’italien, mais d’origine latine
occ. mot directement emprunté à l’occitan, mais d’origine latine
piém. mot directement emprunté au piémontais, mais d’origine latine
port. mot directement emprunté au portugais, mais d’origine latine
prov. mot directement emprunté au provençal, mais d’origine latine

< alld. mot emprunté à l’allemand, mais d’origine latine
< als. mot emprunté à l’alsacien, mais d’origine latine
< angl. mot emprunté à l’anglais, mais d’origine latine
< ara. mot emprunté à l’arabe, mais d’origine latine
< bre. mot emprunté au breton, mais d’origine latine
< celt. mot emprunté au celtique, mais d’origine latine
< esp. mot emprunté à l’espagnol, mais d’origine latine
< fran. mot emprunté au francique, mais d’origine latine
< germ. mot emprunté au germanique, mais d’origine latine
< it. mot emprunté à l’italien, mais d’origine latine
< occ. mot emprunté à l’occitan, mais d’origine latine
< piém. mot emprunté au piémontais, mais d’origine latine
< port. mot emprunté au portugais, mais d’origine latine
< prov. mot emprunté au provençal, mais d’origine latine
i.-e. indo-européen
arg. argot
arc. archaïque